Le carnet des droits humains de la Commissaire

Retour Les défenseurs des droits de l’homme au Bélarus ont besoin de soutien

Le carnet des droits de l'homme
Manifestations dans les rues de Minsk

Manifestations dans les rues de Minsk

Le Bélarus n’est pas un Etat membre du Conseil de l’Europe et ne devrait pas même être considéré comme un candidat à l’adhésion tant qu’il n’a pas libéré tous les défenseurs des droits de l’homme et tous les militants de l’opposition emprisonnés pour des motifs politiques, tant qu’il n’a pas aboli la peine de mort et tant qu’il n’a pas mené de vastes réformes démocratiques. En conséquence, actuellement, le Bélarus ne relève pas de la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme et ne fait pas l’objet de rapports pays, ni dans le cadre de la plupart des mécanismes de suivi ni de la part de mon bureau. Toutefois, cela ne dispense pas le Conseil de l’Europe et ses Etats membres de s’intéresser activement au Bélarus, de s’abstenir de tout acte qui pourrait nuire aux défenseurs des droits de l’homme œuvrant dans ce pays, et de tenter d’y soutenir le développement des droits de l’homme.

« Ne pas nuire »

Le premier principe à respecter est de « ne pas nuire ». En d’autres termes, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient se garder de coopérer avec les autorités du Bélarus à des initiatives qui risquent de compromettre l’intégrité et la sécurité des défenseurs des droits de l’homme bélarussiens. Malheureusement, diverses instances, dans des Etats membres, ont parfois manqué à ce principe. Il convient de rappeler que si l’éminent défenseur Ales Bialiatski a pu être arrêté, poursuivi, condamné et emprisonné, c’est grâce aux renseignements donnés par la Lituanie et la Pologne au sujet de comptes bancaires ouverts dans ces pays au nom de Bialiatski. Il semblerait aussi que la coopération avec le Bélarus par l’intermédiaire d’Interpol puisse comporter des risques pour des acteurs de la société civile.

La communauté internationale peut également nuire à la cause des droits de l’homme en tenant un discours incohérent face au régime bélarussien ou en faisant entendre des voix discordantes. Si certaines instances extérieures ont appelé à prendre des sanctions, d’autres en revanche continuent à faire des affaires avec le Bélarus. A l’évidence, en envoyant des messages contradictoires et en oscillant entre la realpolitik et une approche fondée sur des valeurs, la communauté internationale laisse aux autorités de Minsk une grande marge de manœuvre et leur permet de tirer parti des dissensions entre les différents protagonistes, ce qui dessert les défenseurs des droits de l’homme au Bélarus.

Faire preuve de solidarité et apporter notre soutien

Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient se montrer solidaires des défenseurs des droits de l’homme confrontés à des difficultés, non seulement en évoquant leur situation dans des cadres multilatéraux ou bilatéraux, mais aussi en accordant des visas d’urgence et, si nécessaire, l’asile politique aux défenseurs et à leurs familles qui ont besoin d’être protégés contre les menaces, les intimidations et les persécutions dont ils font l’objet de la part des autorités bélarussiennes. Il faudrait envisager d’établir un point de contact central, vers lequel les Bélarussiens menacés pourraient se tourner. Ce point de contact devrait logiquement se situer dans un pays voisin.

De nombreuses ONG du Bélarus ont établi des bureaux à Vilnius, capitale de la Lituanie, qui est plus proche de Minsk que bien d’autres villes bélarussiennes. C’est aussi à Vilnius que s’est installée l’université des sciences humaines du Bélarus, un centre d’enseignement où s’exerce la liberté de pensée, qui ne pouvait plus fonctionner sous le régime répressif de Minsk. Elle accueille des étudiants exclus des universités en raison de leurs activités politiques au Bélarus. A cet égard, un autre bon exemple est la chaîne de télévision Belsat, qui est basée en Pologne et diffuse au Bélarus des informations échappant à la censure.

D’autres pays européens devraient continuer à soutenir les personnes et les organisations qui défendent les droits de l’homme au Bélarus, en finançant leurs activités et leur participation à des rencontres et à des formations à l’étranger. Des défenseurs et des organisations de ces pays devraient collaborer avec leurs homologues bélarussiens dans le cadre de projets communs. Par exemple, la Maison des droits de l’homme du Bélarus en exil à Vilnius, qui est un réseau d’ONGs bélarusses représente une bonne plate-forme pour des activités conjointes de soutien aux travaux des défenseurs des droits de l’homme.

Le rôle du Conseil de l’Europe

Le Conseil de l’Europe et ses Etats membres devraient s’employer plus activement à faire connaître ses normes, instruments et mécanismes au Bélarus, notamment en organisant des activités dans le pays, dans la mesure du possible. Le Bélarus souhaite renforcer sa coopération avec le Conseil de l’Europe et certaines conventions sont ouvertes à la signature d’Etats non membres. Ainsi, le Bélarus a déjà adhéré au GRECO, le mécanisme anti-corruption du Conseil de l’Europe, et une procédure est en cours en ce qui concerne le GRETA, le mécanisme de lutte contre la traite des êtres humains. Il serait particulièrement utile que le Bélarus adhère aussi à la Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, car cela permettrait aux experts du Comité pour la prévention de la torture (CPT) de se rendre régulièrement dans des lieux de détention au Bélarus, y compris auprès de défenseurs des droits de l’homme emprisonnés.

Il importe en outre que la Commission de Venise, organe du Conseil de l’Europe spécialisé dans le droit constitutionnel, continue à être associée à toute future coopération. La Commission de Venise a déjà adopté des avis sur des dispositions légales du Bélarus limitant la liberté de réunion et d’association. Si le Bélarus souhaite renforcer sa coopération, la Commission de Venise pourrait formuler des avis sur d’autres lois en rapport avec les droits de l’homme. Les suites données par le Bélarus à ces avis seraient un bon indicateur de la sincérité des intentions de réforme affichées par les autorités.

La Conférence des organisations internationales non gouvernementales et l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe contribuent également de manière constructive à sensibiliser la société civile et les parlementaires européens à la situation des défenseurs des droits de l’homme bélarussiens, par le biais de rapports, d’auditions et d’autres activités. Ces initiatives méritent, elles aussi, davantage d’attention et de soutien de la part des gouvernements des Etats membres.

Perspectives d’avenir

J’attends avec impatience le jour où Ales Bialiatski et les autres défenseurs des droits de l’homme et militants de l’opposition injustement emprisonnés seront libérés, c’est-à-dire sortiront de prison mais cesseront aussi de risquer une nouvelle arrestation pour avoir simplement exprimé une opinion et défendu la démocratie de manière pacifique. J’attends avec impatience le jour où la situation des droits de l’homme au Bélarus se sera suffisamment améliorée pour que ce pays puisse rejoindre le Conseil de l’Europe. En attendant ce jour, il nous appartient de ne pas nuire et de tout mettre en œuvre pour faire progresser les droits de l’homme au Bélarus.

Nils Muižnieks

Strasbourg 12/02/2013
  • Diminuer la taille du texte
  • Augmenter la taille du texte
  • Imprimer la page