« Au cours de mes deux années et demie de mandat, il y a un problème de droits de l’homme que j’ai rencontré invariablement dans la quasi-totalité des Etats membres, un problème grave, l’exclusion prolongée et la discrimination de la population rom. Ceci est vrai que le pays soit riche ou pauvre, qu’il soit dans ou hors de l’Union européenne, que ses Roms soient autochtones ou migrants. Cette situation honteuse ne saurait être tolérée plus longtemps et il suffirait d’un peu de volonté politique pour y mettre fin », a déclaré aujourd’hui Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme.
« Dans l’Europe du XXIe siècle, où sont établies les sociétés les plus prospères de la planète, des millions de Roms vivent dans une pauvreté abjecte et n’ont guère accès à l’enseignement ordinaire, à la santé, à l’emploi, à un logement décent et à la participation à la vie politique. En outre, ils sont souvent les boucs émissaires des problèmes de la société, cibles de crimes de haine et victimes de persécutions ou de violences de la part des forces de l’ordre.
Dans les politiques de répression envers les Roms entrent notamment de fréquentes expulsions de familles de leur logement dans de nombreux Etats européens. Ces expulsions sans solution alternative ni soutien appropriés font que des familles entières se retrouvent à la rue, même durant les périodes hivernales. Les expulsions s’accompagnent souvent de violences. De plus, elles empêchent toute forme d’intégration et tout accès durable aux soins sanitaires et sociaux et privent les enfants de leur droit à l’éducation.
Des initiatives intéressantes visant à encourager l’intégration des Roms peuvent être observées dans toute l’Europe : nous devrions les mettre à profit et les soutenir pour tourner la page de décennies de violations des droits des Roms du côté des pouvoirs publics.
Dans bon nombre de pays dans lesquels je me suis rendu, j’ai vu les deux facettes de la réalité rom : d’une part l’exclusion, d’autre part les initiatives encourageantes mises en œuvre pour encourager l’autonomisation et l’intégration des Roms. Hier encore, j’ai visité deux campements à Strasbourg, qui accueille environ 450 Roms migrants venus essentiellement de Roumanie et de Hongrie et dont le nombre s’est stabilisé, comme partout en France. A Strasbourg, il n’y a pas eu d’évacuations forcées de terrains ces derniers mois, ni d’expulsions de Roms vers leur pays d’origine.
Le premier site que j’ai visité était un campement sauvage ou « illicite » appelé « La petite forêt », où les Roms vivent dans des conditions rudes, sans électricité ni eau courante, près d’une autoroute. Ce campement ressemble à tant d’autres que j’ai vus partout en Europe. Le second, appelé « Espace 16 », est un « centre transitoire » officiel, géré par la municipalité et que beaucoup qualifient de bonne pratique. Cette initiative mérite une description plus détaillée.
L’Espace 16 est une initiative conjointe du gouvernement, de la municipalité et d’une ONG dont le but est d’aider les Roms dans leur transition vers l’inclusion sociale. Il accueille quelque 135 Roms dans des caravanes achetées par les autorités, avec fourniture gratuite de l’électricité, enlèvement des ordures, lave-linges, toilettes et douches. Alors que, pour certains, la fourniture de caravanes témoigne d’une méconnaissance du mode de vie largement sédentaire des Roms, le personnel a expliqué que les règles d’urbanisme interdisent de construire des structures permanentes sur ce site proche de la gare centrale et situé à côté des fortifications historiques de la ville.
La structure est également dotée d’un grand nombre de travailleurs sociaux qui essaient d’aider les résidents à bâtir des projets de vie, avec des cours de langue française, de la formation professionnelle, l’organisation de stages auprès d’employeurs et d’autres interventions. Tous les enfants fréquentent l’école et 14 personnes ont trouvé un emploi dans l’économie officielle. C’est assurément un progrès.
Cela étant, l’intégration est un processus lent et difficile. En trois ans, seules quatre familles sont parties s’installer dans un logement social ordinaire. Beaucoup de résidents sont des personnes âgées ou handicapées, ce qui complique encore leur intégration. Bien que les effectifs des Roms à Strasbourg soient globalement faibles, l’intégration est terriblement lente. Mais elle n’est pas mission impossible : cette initiative le prouve.
Il faut que les autorités nationales et locales œuvrent à une image plus positive des Roms et développent des initiatives constructives, de longue durée, pilotées par des Roms pour mettre un terme à leur exclusion.