Retour Lignes directrices sur les mécanismes de règlement en ligne des litiges dans les procédures judiciaires civiles et administratives

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Remigijus Jokubauskas et Marek Świerczyński présentent les Lignes directrices sur les mécanismes de résolution en ligne des litiges dans les procédures judiciaires civiles et administratives.

1. Introduction

Les limitations de la communication humaine directe, provoquées par la pandémie de COVID-19, ont forcé la mise en œuvre de nouvelles formes de communication dans les procédures civiles et administratives. Certains pays sont plus expérimentés dans ce domaine. Par exemple, en Lituanie, le dépôt en ligne, le paiement en ligne des frais de justice et les dossiers numériques avec accès en ligne sont disponibles dans toutes les affaires civiles et administratives grâce au système centralisé d'e-justice LITEKO. En Pologne, ce n'est que récemment et en lien direct avec les contraintes de la pandémie qu'une nouvelle loi sur la vidéoconférence dans les procédures civiles et administratives a été adoptée par le gouvernement.

Afin de garantir une résolution équitable des litiges, le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) du Conseil de l'Europe a élaboré une réglementation internationale appropriée et pratique sous forme de lignes directrices, conformément aux garanties judiciaires inscrites dans la Convention européenne des droits de l'homme.  Les Lignes directrices sur les mécanismes de règlement en ligne des litiges dans les procédures judiciaires civiles et administratives ont été adoptées par le Comité des Ministres le 16 juin 2021. Elles utilisent le terme de résolution en ligne des litiges (ODR) qui désigne toute technologie de l'information (TI) en ligne utilisée par un tribunal pour résoudre ou aider à résoudre un litige.

 

2. Objectif des lignes directrices

Les législateurs et les tribunaux des Etats membres sont encouragés à utiliser les mesures de base contenues dans les lignes directrices ODR leur permettant de s'assurer que les techniques numériques mises en œuvre ne portent pas atteinte à la dignité humaine, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Les lignes directrices visent à garantir que les nouvelles techniques sont compatibles avec la Convention européenne des droits de l'homme sans en compromettre les avantages, notamment en ce qui concerne les coûts et la rapidité de la résolution des litiges.

Les lignes directrices sont un instrument de droit "souple", elles ne sont pas seulement une déclaration de principes mais visent à donner des conseils pratiques et des orientations. Elles abordent, en particulier, les principes clés d'un procès équitable et d'un recours effectif, tels qu'interprétés par la Cour européenne des droits de l'homme dans sa jurisprudence. Par exemple, en ce qui concerne les principes d'égalité des armes, les lignes directrices indiquent que les procédures doivent garantir un processus juridictionnel indépendant et impartial. Cela est d'autant plus important pour les tribunaux numériques qu'ils peuvent impliquer un processus où l'adjudicateur n'est pas physiquement présent, ce qui peut donner lieu à des problèmes de crédibilité.

 

Lignes directrices no 40. Les juges, les praticiens du droit et toutes les personnes impliquées dans des procédures judiciaires devraient avoir conscience des avantages et de l’utilité des mécanismes de RLL ainsi que de leur conformité avec la Convention européenne de droits de l’homme et avec d’autres législations pertinentes.

 

On peut s'attendre à ce que les techniques d'ODR mises en œuvre dans le pays conformément aux lignes directrices ne soient pas contestées du point de vue des droits de l'homme au titre de la Convention européenne des droits de l'homme. Il n'est pas moins important que les lignes directrices suivent les bonnes pratiques et les leçons basées sur le travail collaboratif et l'expérience des Etats membres qui ont plus d'expérience dans l'utilisation de l'ODR. Les succès et les échecs de certaines mises en œuvre de l'ODR ont été pris en considération lors des travaux préparatoires.

 

3. Les principes fondamentaux

Les lignes directrices comprennent une liste d'instructions pour les États membres, dont les quatre principes clés les plus importants sont reproduits ci-dessous :

  1. Les États membres doivent chercher à garantir la confiance dans l'ODR,
  2. L'ODR ne devrait pas créer d'obstacles substantiels à l'accès à la justice,
  3. Les règles de procédure qui s'appliquent aux procédures judiciaires en général devraient également s'appliquer aux procédures judiciaires impliquant l'ODR, à moins que la nature spécifique d'un mécanisme ODR particulier n'exige le contraire,
  4. Les parties aux procédures impliquant l'ODR doivent être identifiées au moyen de mécanismes sécurisés.

Dans la pratique, le principal problème est lié à l'ignorance juridique et au manque d'information sur les techniques efficaces d'ODR. Une explication transparente de leur conception et de leur utilisation est nécessaire pour le public et pourrait améliorer l'utilisation des mécanismes ODR dans la pratique. L'ODR doit être rapide, simple, peu coûteux et efficace. La réduction des coûts, la rapidité des solutions, l'absence de nécessité de rencontre directe des parties sont des avantages indéniables de ce mécanisme. Des messages aussi simples sont nécessaires pour susciter la confiance du public dans l'ODR. Les mécanismes d'ODR constitueront alors réellement une alternative importante aux longues procédures judiciaires et aux jugements de qualité douteuse.

 

Conseil Consultatif des Juges Européens – Avis N°14 (2011) : L'introduction de l'informatique dans les tribunaux en Europe ne doit pas compromettre les visages humains et symboliques de la justice. (...) La justice est et doit rester humaine car elle traite avant tout des personnes et de leurs différends.

 

Les Etats membres devraient expliquer au public que l'utilisation de l'ODR n'est pas destinée à remplacer complètement les procédures judiciaires existantes mais plutôt à les compléter et à améliorer l'accès à la justice. L'ODR doit être considéré comme une aide auxiliaire à la prise de décision judiciaire et comme un moyen de faciliter le travail du juge, et non comme une contrainte. L'ODR doit également être adapté aux besoins des juges et des autres utilisateurs, et ne doit jamais porter atteinte aux garanties et aux droits procéduraux tels que le droit à une audience équitable devant un juge.

Un autre enseignement de la crise pandémique est que la cybersécurité est importante dans la pratique judiciaire actuelle. Les cybermenaces sont et seront un réel danger pour les systèmes judiciaires. Il existe un risque élevé que les documents judiciaires et les preuves puissent être manipulés et attaqués. Une brèche dans la sécurité pourrait entraîner la falsification ou la divulgation d'informations confidentielles. Les tribunaux doivent donc envisager des mécanismes pour renforcer la sécurité des données. Il est crucial que les États membres garantissent un niveau approprié de cybersécurité dans les systèmes ODR et leur intégrité. En effet, une section entière et même une annexe avec une liste de contrôle traitant des questions de cybersécurité ont été ajoutées.

 

4. Conclusion

La mise en œuvre des lignes directrices dans les Etats membres du Conseil de l'Europe est cruciale car la numérisation des tribunaux revêt désormais une importance particulière pour le bon accès à la justice (voir par exemple les lignes directrices sur la vidéoconférence dans les procédures judiciaires du CEPEJ ). Cependant, une large utilisation des tribunaux numériques a également le potentiel de restreindre l'accès à la justice en créant des barrières technologiques pour tous ceux qui n'ont pas la capacité d'utiliser la technologie. En outre, il convient de prêter attention aux questions d'authentification des données et d'identification des parties au litige, de fracture numérique, de cybersécurité et de protection des données personnelles. Tous ces aspects sont détaillés dans l'exposé des motifs des lignes directrices de l'ODR, qui proposent des options et des solutions aux États membres et aux tribunaux.

 

Avertissement : les opinions exprimées dans cet article relèvent de la responsabilité des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la politique officielle du Conseil de l'Europe.

 

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