Retour En conversation avec le Président du CDCJ

Le Président du CDCJ, M. João Arsénio de Oliveira (Ministère de la Justice, Portugal), discute de l'impact des lignes directrices sur l'efficience et l'efficacité des régimes d'aide juridique dans les domaines du droit civil et administratif, et de la manière dont elles améliorent l'aide juridique.
M. João Arsénio de Oliveira (Ministère de la Justice, Portugal), Président du CDCJ du 1 janvier 2020 au 31 décembre 2021

M. João Arsénio de Oliveira (Ministère de la Justice, Portugal), Président du CDCJ du 1 janvier 2020 au 31 décembre 2021

Le Comité européen de coopération juridique (CDCJ) a travaillé sur un certain nombre de nouvelles recommandations et lignes directrices ces dernières années. Nous aimerions discuter avec vous des lignes directrices sur l'efficience et l'efficacité des systèmes d'assistance judiciaire dans les domaines du droit civil et du droit administratif que le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe a adoptées le 31 mars 2021. Pouvez-vous nous dire pourquoi le CDCJ a décidé de se lancer dans l'élaboration de ces lignes directrices et les raisons qui ont motivé cette décision ?

Il y avait un certain nombre de raisons, la plus importante étant l'importance de l'accès à une aide et une assistance juridiques efficaces, qui ne devraient pas être refusées à ceux qui n'ont pas les moyens financiers et ne peuvent pas se payer un avocat. Il est apparu nécessaire d'approfondir cette question dans le contexte des systèmes de justice civile et administrative et de donner des orientations plus substantielles aux États membres qui souhaitent améliorer ou renforcer les systèmes d’assistance judiciaire en place. L’assistance judiciaire est un élément essentiel pour garantir l'accès à la justice, qui joue un rôle de premier plan en particulier dans le contexte du droit pénal. Par conséquent, les instruments juridiques européens pertinents sont établis depuis un certain temps déjà, ce qui n’est pas le cas dans les domaines du droit civil et du droit administratif. Le droit à l'assistance judiciaire à tous les stades de la procédure pénale est un droit procédural fondamental pour toutes les personnes accusées ou suspectées de crime et tous les États membres garantissent ce droit à la représentation juridique pour toutes les personnes vulnérables utilisant le système de justice pénale. Toutefois, la plupart des normes internationales limitent ce droit à l'assistance judiciaire, aux conseils, à l'assistance et à la représentation juridiques dans le cadre de procédures judiciaires ou d'autres procédures liées à un litige, en particulier dans le contexte d'affaires pénales. C'est le cas de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Cependant, le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, dans sa Résolution (78) 8 (sur l'assistance judiciaire et la consultation juridique), recommande aux Etats membres du Conseil de l'Europe de veiller à ce que les personnes économiquement défavorisées puissent obtenir la consultation juridique nécessaire en matière civile, commerciale, administrative, sociale ou fiscale, et que ces conseils soient donnés gratuitement ou moyennant le paiement d'une contrepartie en rapport avec leurs ressources. Dans sa Recommandation n° R (93) 1 (sur l'accès effectif au droit et à la justice des personnes en situation de grande pauvreté), le Comité des Ministres invite les Etats membres du Conseil de l'Europe à promouvoir les services de consultation juridique pour les personnes en situation de grande pauvreté en prenant en charge financièrement les consultations juridiques au titre de l'aide judiciaire, en développant les centres de consultation dans les quartiers défavorisés, et en permettant aux ONG ou aux associations d’aide aux personnes en situation de grande pauvreté, de fournir une assistance juridique.

Pourquoi ces lignes directrices sont-elles uniques ?

La réponse à cette question réside dans ce que je viens de mentionner - avant que ces lignes directrices ne soient élaborées par le CDCJ, aucun autre instrument juridique international ne traitait des principes et des questions relatifs aux systèmes d’assistance judiciaire dans les domaines du droit civil et du droit administratif, à l’échelle européenne ou internationale. Les principes et les normes de l'assistance judiciaire dans le système de justice pénale sont hérités de la Convention européenne des droits de l'homme et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, et sont également exposés dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Comité des droits de l'homme des Nations Unies, les Principes et lignes directrices des Nations Unies sur l'accès à l'assistance judiciaire dans les systèmes de justice pénale, le Comité européen pour la prévention de la torture et le Sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture. Cependant, les normes portant sur les systèmes d’assistance judiciaire dans les domaines du droit civil et du droit administratif sont mal couvertes. En plus de ce qui a déjà été mentionné, il existe deux instruments juridiques de l'Union européenne pertinents dans ce contexte, tout d'abord sur l'aide judiciaire pour les affaires transfrontalières - la Directive sur l'aide judiciaire (Directive 2002/8/CE du 27 janvier 2003 visant à améliorer l'accès à la justice dans les affaires transfrontalières par l'établissement de règles minimales communes relatives à l'aide judiciaire accordée dans le cadre de telles affaires, JO L 26 du 31 janvier 2003), et sur la médiation - la Directive sur la médiation (Directive 2008/52/CE du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale, JO L 136 du 24 mai 2008). Pour le Comité, il était donc tout aussi important de répondre à ce besoin évident et de combler cette lacune en élaborant l'instrument juridique pertinent. L'adoption des lignes directrices est un pas en avant significatif et un catalyseur fort pour promouvoir l'engagement du Conseil de l'Europe sur les questions d'assistance judiciaire et pour soutenir les Etats membres dans la mise en œuvre de l’objectif 16 des objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies : paix, justice et institutions fortes.

Quels aspects du système d'assistance judiciaire considérez-vous comme les plus importants ? A quels aspects les Etats membres qui envisagent d'améliorer l'efficacité de leurs systèmes d’assistance judiciaire devraient-ils prêter attention selon les lignes directrices ?

La réponse à cette question se trouve dans l'article fourni sur ce sujet dans cette lettre d'information qui explique plus en détail les tendances convergentes et les nouveaux défis qui méritent davantage d'attention de la part des décideurs politiques qui souhaitent réformer les systèmes d’assistance judiciaire en place ou qui souhaitent simplement développer le système. Cependant, tant à partir des recherches menées par le Comité avant de se lancer dans l'élaboration des lignes directrices, que des réactions des Etats membres au cours des discussions du groupe de travail, il m'est apparu que sans un accès rapide à l'assistance judiciaire à tous les stades de la procédure pénale, civile ou administrative, sans un système d'assistance judiciaire national doté d'un personnel et de ressources suffisants, sans une diversité de prestataires de services d’assistance judiciaire, notamment des avocats, des cliniciens juridiques universitaires et des assistants juridiques, il serait impossible d’édifier un système fiable et pérenne. Les États membres doivent s'efforcer de concevoir et de mettre en place des systèmes de systèmes d’assistance judiciaire innovants, complets et pérennes, qui sont réalisables et aussi qui, avec l'appui des technologies de l’information, deviennent plus abordables et répandus. Les systèmes d'assistance judiciaire efficaces produisent des résultats positifs significatifs, tant pour les individus que pour la société en général, en améliorant les performances de la justice dans son ensemble et en augmentant la responsabilité et le respect de l'État de droit à long terme.

Maintenant qu'il existe de nouvelles lignes directrices du Conseil de l'Europe, quelles sont les prochaines étapes pour les Etats membres ? Quels sont les défis et que doit-on attendre du Comité à l'avenir sur cette question ?

Les lignes directrices sont de nature consultative, il appartient aux Etats membres d'utiliser les exemples de bonnes pratiques ayant cours et les approches intéressantes déjà déployées. Pour le Comité, il est maintenant essentiel que les Etats membres soient bien informés et conscients du contenu de ces lignes directrices et qu'ils les utilisent pour améliorer leurs systèmes d'assistance judiciaire, répondre aux lacunes et aux obstacles, et adopter des solutions pratiques adaptées à leurs besoins.

Il est difficile actuellement d'envisager quels pourraient être les défis futurs dans ce domaine. Il reste certainement à voir si et comment la pandémie de la COVID-19 a affecté la prestation de services d'assistance judiciaire. Nous ne pouvons que spéculer, car l'économie et les ressources de tous les Etats membres sont mises à rude épreuve et, comme l'expérience l'a montré, ce sont souvent les systèmes d'assistance judiciaire qui ont à souffrir de coupes budgétaires drastiques lorsque de tels événements se produisent au niveau mondial. Si les problèmes et les affaires menant au sans-abrisme ou à l'endettement s'aggravent et augmentent, l'accès et la disponibilité de conseils juridiques préliminaires et précoces deviennent primordiaux.

Le CDCJ et le Conseil de l'Europe peuvent apporter un soutien par le biais de leurs projets de coopération ainsi que des conseils bilatéraux pour la réforme des systèmes nationaux d'assistance judiciaire. Le Comité réexamine périodiquement l'état de mise en œuvre de ses instruments, y compris les présentes lignes directrices, et continuera à documenter les meilleures pratiques et à suivre l'évolution des systèmes d'assistance judiciaire dans les domaines du droit civil et du droit administratif.

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