Retour Serbie : il est nécessaire d’intensifier les efforts pour affronter le passé, pour améliorer la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits humains et pour protéger les femmes contre la violence

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During her visit, Commissioner Mijatovic (top center) met with the Prime Minister Ana Brnabić;the (top left), the First Deputy Prime Minister and Minister of Foreign Affairs, Ivica Dačić (middle right) and the Minister for Human and Minority Rights and Social Dialogue Tomislav Žigmanov (bottom center), as well as, among others, representatives of the NGO Women in Black (bottom right). She also participated in a conference with the Commissioner for the Protection of Equality, Brankica Janković (top right), and she honoured the memory of journalist Slavko Ćuruvija by laying flowers at the site where he was murdered 24 years ago (bottom left).

During her visit, Commissioner Mijatovic (top center) met with the Prime Minister Ana Brnabić;the (top left), the First Deputy Prime Minister and Minister of Foreign Affairs, Ivica Dačić (middle right) and the Minister for Human and Minority Rights and Social Dialogue Tomislav Žigmanov (bottom center), as well as, among others, representatives of the NGO Women in Black (bottom right). She also participated in a conference with the Commissioner for the Protection of Equality, Brankica Janković (top right), and she honoured the memory of journalist Slavko Ćuruvija by laying flowers at the site where he was murdered 24 years ago (bottom left).

« Il est grand temps pour la Serbie de faire face à l'héritage du passé, de protéger la liberté des médias et la liberté de réunion, et de respecter ses engagements en matière de droits des femmes et d'égalité de genre», a déclaré Dunja Mijatović, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, à l'issue d'une visite qu’elle a effectuée dans le pays du 13 au 17 mars 2023.

Soulignant le rôle que joue la Serbie à cet égard, la Commissaire constate une stagnation dans le règlement des cas restants de personnes disparues dans la région, problème qu’elle a déjà abordé lors de visites précédentes et dans des déclarations récentes. « Il est nécessaire que les dirigeants politiques, y compris en Serbie, renouvellent leur engagement à élucider le sort des personnes disparues, notamment en ouvrant les archives de la police et de l’armée susceptibles de contenir des informations importantes sur ces personnes. Les familles et les proches de ceux qui sont toujours portés disparus souffrent beaucoup et sont dans l'incertitude. Ils ont droit à des réparations et à une assistance adéquates, mais surtout à savoir la vérité sur les êtres chers qu’ils ont perdus. »

La Commissaire note les mesures concrètes prises par les autorités serbes pour lutter contre l'impunité des violations graves des droits humains commises pendant les conflits des années 1990, notamment la nouvelle stratégie en matière de crimes de guerre et le renforcement des capacités du Bureau du procureur chargé des crimes de guerre, mais elle est préoccupée par les informations faisant état de la lenteur des progrès dans ce domaine. Ce qui continue d’entraver la lutte contre l’impunité, c’est aussi le refus de la Serbie d’extrader vers d’autres pays de la région des personnes reconnues coupables, ou soupçonnées, de crimes de guerre. « Ce n'est que lorsque les auteurs de crimes de guerre seront traduits en justice que les sociétés de la région pourront commencer à guérir leurs blessures, à surmonter leur passé violent et à bâtir un avenir fondé sur le respect des droits humains et de l'État de droit », a déclaré la Commissaire. Elle estime qu'en donnant aux criminels de guerre condamnés une tribune publique en Serbie pour promouvoir leurs opinions et nier les crimes pour lesquels ils ont été condamnés, les autorités manquent à leur devoir de justice, de protéger le droit des victimes à la vérité et d'empêcher la propagation d'un discours d’intolérance et de haine. Le fait que les autorités tolèrent les peintures murales à la gloire de criminels de guerre est un autre exemple regrettable de ces manquements. Des organisations de la société civile ont recensé plus de 300 de ces fresques en Serbie et ont récemment appelé les autorités à les retirer.

Tout en saluant l'engagement des autorités à assurer le respect de la liberté d'expression et de réunion, ainsi que la mise en place d’un cadre juridique et institutionnel solide dans ce domaine, la Commissaire note que la sécurité des journalistes et des défenseurs des droits humains reste une question très préoccupante. Les cas d'assassinats de journalistes dans le passé, y compris celui de Slavko Ćuruvija, doivent être élucidés, et les auteurs et les commanditaires de ces crimes doivent être déférés à la justice.

En outre, la Commissaire observe que les campagnes de diffamation, les menaces et les intimidations sont des pratiques courantes visant les journalistes, les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile, qui sont aussi de plus en plus exposés aux « poursuites-bâillons » (poursuites judiciaires stratégiques contre la mobilisation publique, souvent désignées par l’acronyme anglais « SLAPP »). Aussi demande-t-elle instamment aux autorités de tout mettre en œuvre pour créer les conditions permettant aux médias et à la société civile de travailler en toute sécurité. L’adoption, en 2022, d’une stratégie destinée à créer un environnement propice au développement de la société civile en Serbie est une initiative qui va dans le bon sens. « Les organisations de défense des droits humains, comme « Femmes en noir » (Žene u Crnom), dont j’ai rencontré des membres à Belgrade, jouent un rôle essentiel dans la sensibilisation à la question des droits humains, malgré les menaces et les violences auxquelles elles sont confrontées. Ces ONG, et bien d’autres organisations de la société civile et les militants serbes, qui font preuve d’un courage et d’un dévouement exemplaires, méritent d’être reconnus, protégés et soutenus. »

La Commissaire note avec satisfaction le renforcement du cadre juridique destiné à promouvoir l'égalité de genre et les progrès signalés en matière de participation des femmes à la vie politique en Serbie. Toutefois, elle est préoccupée par le discours misogyne et discriminatoire utilisé par des responsables politiques et des personnalités publiques, et relayé par certains médias, qui sape les initiatives gouvernementales visant à réaliser l'égalité de genre. « Les autorités devraient assurer une sensibilisation et une éducation systématiques à l’égalité de genre, afin de lutter contre les stéréotypes et les conceptions patriarcales du rôle des femmes dans la société qui portent atteinte aux droits des femmes et les exposent à la violence. Les femmes vivant en zone rurale, les femmes défavorisées sur le plan socio-économique, les femmes roms ou migrantes et les femmes en situation de handicap sont confrontées à une discrimination et à des difficultés particulières. Les autorités devraient s’attacher à remédier à cette situation, en étroite coopération avec la Commissaire à la protection de l’égalité, dont il faudrait continuer à soutenir le remarquable travail de promotion de l’égalité et de lutte contre les discriminations. »

En ce qui concerne la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, la Commissaire regrette que, 10 ans après la ratification par la Serbie de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la Convention d’Istanbul), et malgré un bon cadre législatif et politique, ces formes de violence restent répandues, y compris dans l’espace numérique. La Commissaire a souligné la nécessité d'une réponse institutionnelle coordonnée pour protéger efficacement les femmes contre la violence et pour apporter aux victimes un soutien immédiat et à plus long terme. Le nombre d’affaires dans lesquelles des poursuites sont engagées est faible par rapport au nombre total de cas de violences signalés, et les peines, le plus souvent assorties d’un sursis, ne sont pas proportionnées à la gravité des faits. Il importe donc de réfléchir aux améliorations à apporter en matière de poursuites et de procès et aux moyens de renforcer les compétences professionnelles des juristes concernant la question de la violence. « Si les violences à l’égard des femmes restent impunies, elles risquent de se perpétuer, voire de conduire à des meurtres. Des poursuites effectives et des sanctions dissuasives sont donc nécessaires pour montrer que la société serbe ne tolère pas la violence à l’égard des femmes. Les campagnes publiques destinées à encourager les femmes à signaler les violences ne peuvent pas atteindre leur but si les victimes et leurs enfants ne sont pas dûment protégés et si les auteurs des violences jouissent de l’impunité. »

Au cours de sa visite en Serbie, la Commissaire a rencontré la Première ministre serbe, Ana Brnabić ; le premier Vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères, Ivica Dačić ; la ministre de la Justice, Maja Popović ; le ministre des Droits humains, des Droits des minorités et du Dialogue social, Tomislav Žigmanov ; et la ministre de la Culture, Maja Gojković, qui préside aussi l’organe de coordination pour l’égalité entre les femmes et les hommes. De plus, la Commissaire s’est entretenue avec l’Ombudsman, Zoran Pašalić, avec la Commissaire à la protection de l’égalité, Brankica Janković, et avec le Commissaire à l’information d’intérêt général et à la protection des données à caractère personnel, Milan Marinović.

En outre, la Commissaire a rencontré des membres de nombreuses organisations de la société civile dont le travail est en rapport avec les thèmes abordés lors de sa visite. Elle s’est aussi rendue dans les locaux de l’ONG « Femmes en noir » (Žene u Crnom) et s’est recueillie à l’endroit où le journaliste Slavko Ćuruvija avait été assassiné. Enfin, la Commissaire a participé, notamment en y prononçant une allocution, à la conférence intitulée « Pourquoi les femmes ne signalent-elles pas les violences domestiques ? », qui était organisée par la Commissaire à la protection de l’égalité.

Dunja Mijatović publiera prochainement un rapport sur sa visite.

Belgrade 17/03/2023
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