Back Projection-débat public à l’occasion de la Journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains - Traite des enfants : nouveaux visages de l’esclavage, en France aussi

Cinéma Odyssée, Strasbourg , 

C’est un honneur pour moi d’inaugurer cette projection-débat à l’occasion de la Journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains, organisée par le Conseil de l’Europe en partenariat avec la Ville de Strasbourg, la Région Grand-Est et l’Académie de Strasbourg.

Quelle que soit la forme que revêt la traite (exploitation sexuelle, travail forcé, prélèvement d’organes, délinquance forcée…), nous ne nous trouvons pas seulement face à un grave phénomène criminel, mais aussi face à une des pires violations des droits humains. Une victime sur 4 de la traite est un enfant.

La lutte contre la traite ne pouvait que figurer parmi les priorités de notre Organisation. Au-delà des travaux en partenariat avec d’autres organisations internationales et avec la société civile, en 2008, une protection renforcée contre la traite a été consacrée par l’adoption de la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains. Tout en s'appuyant sur les instruments internationaux existants, la Convention va au-delà des normes minimales que ces instruments instaurent.

Notre Convention met la prévention de la traite et la protection des victimes au cœur de l’action des autorités. Elle est ouverte à des Etats non membres du Conseil de l’Europe. Aujourd’hui, elle est en vigueur dans 47 pays.

Pour faire en sorte qu’elle ne reste pas lettre morte, un mécanisme de suivi, chargé de surveiller l’application de la Convention a été mis en place. Le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (connu sous l’abréviation « GRETA ») évalue périodiquement chaque Etat partie et attire l’attention sur les failles et les bonnes pratiques.

Parmi les problèmes soulignés par le GRETA, figure la nécessité que nos Etats membres concentrent leurs efforts sur une amélioration de la prévention par la lutte contre l’échec scolaire, l’éducation. Il est aussi crucial d’améliorer l’identification et la protection des mineurs victimes de la traite. Il est tout aussi urgent de s’attaquer au problème des enfants portés disparus, alors qu’ils se trouvaient dans des centres d’accueil ou de rétention des collectivités locales pour mineurs non accompagnés, et de leur proposer un logement approprié sûr, et des familles d’accueil ou des tuteurs dûment formés.

Parfois, les mineurs victimes de la traite sont considérées comme délinquants ou sont traités comme des migrants irréguliers, alors qu’en réalité, ils sont punis pour des actes illégaux que des trafiquants les ont contraints de commettre.

En les plaçant en détention ou en les expulsant ainsi, on perd l’occasion de bâtir avec eux des rapports de confiance et de les protéger. Il est crucial que les pays de transit et de destination s’attèlent à la tâche de trouver des moyens humains et efficaces d’aider ces personnes.

En Europe, où nous avons la chance de vivre dans des systèmes démocratiques et économiques plus développés, l’esclavage est souvent considéré comme une réalité du passé. Et pourtant il existe encore, il est bien plus proche de nous que nous le pensons. La Cour européenne des droits de l’homme l’a dit avec fermeté.

Dans sa première affaire où elle a eu à examiner des traitements liés à la traite, la Cour, à l’instar de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a noté que « bien que l'esclavage ait été officiellement aboli il y a plus de cent cinquante ans, des situations d'« esclavage domestique » perdurent en Europe qui concernent des milliers de personnes, parmi lesquelles une majorité de femmes » (Siliadin c. France, 26/07/2005). Plus tard, la Cour a affirmé « qu’il ne peut y avoir aucun doute quant au fait que la traite porte atteinte à la dignité humaine et aux libertés fondamentales de ses victimes et qu’elle ne peut être considérée comme compatible avec une société démocratique ni avec les valeurs consacrées dans la Convention » (Rantsev c. Chypre et Russie, 7/1/2010).

C’est pour cette raison que je me félicite de l’initiative de l’Académie de Strasbourg de lancer un projet pilote dans plusieurs écoles de Strasbourg, où les élèves s’intéresseront à l’esclavage moderne pendant toute l’année scolaire. Les résultats de leur travail seront présentés au printemps 2018 au Conseil de l’Europe.

Vous allez voir ce soir un documentaire qui raconte l’histoire de trois mineurs victimes de la traite. Des organisations de la société civile qui repèrent ces enfants, qui les arrachent aux griffes des trafiquants et des exploiteurs et qui les aident à retrouver leur dignité et à avoir la maîtrise de leur vie, évoqueront ce soir le travail impressionnant qu’elles réalisent, les problèmes auxquels elles sont confrontées et l’espoir qui les incite à continuer.

Je vous souhaite une bonne projection et un débat engagé par la suite. Je me réjouis aussi que l’ancien Président du GRETA, M. Le Coz, offre à ce débat son expertise précieuse.