Back 20ème Anniversaire de la Convention d’Oviedo: Pertinence et Enjeux - Conférence Internationale organisée par le Comité de Bioéthique (DH-BIO) sous les auspices de la Présidence tchèque du Comité des Ministres

Strasbourg , 

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Monsieur le Vice-Ministre,

Madame la Sous-Directrice Générale,

Mesdames messieurs,

Chers collègues,

 

« Une éthique partagée par tous, qui exalte l’idée et la responsabilité de la personne humaine ». C’est dans ces termes qu’Alcide de Gasperi, Ministre des affaires étrangères de l’Italie et un des pères fondateurs du projet européen, évoquait l’héritage européen commun.

C’est à travers la notion de dignité humaine, clé de voute de tout l’édifice des droits de l’homme, que la jonction entre droit et éthique se réalise.

La Convention européenne des droits de l’Homme a cristallisé ce lien entre droits de l’homme et éthique. La Convention d’Oviedo, dont nous célébrons aujourd’hui les 20 ans de l’ouverture à la signature, l’a fait à son tour dans le domaine de la biologie et de la médecine.

Certains ont parlé alors de droits de nouvelle génération.

C’est en effet un travail pionnier qu’a accompli là le Conseil de l’Europe et qui a abouti à l’adoption de ce qui reste à ce jour le seul instrument juridique international contraignant dans ce domaine. Je ne doute pas que l’élaboration de cette convention sera rappelée plus en détails par les autres intervenants de cette session.

Ce que je souhaite évoquer ici ce sont les raisons qui ont poussé le Conseil de l’Europe à se pencher sur ces questions de bioéthique, mais également, pourquoi l’approche et le cadre fourni par le Conseil de l’Europe ont également été essentiels dans ce processus.

Les développements dans le domaine des sciences et notamment de la médecine ont été et continuent d’être une source considérable d’avancées pour l’Homme. La seconde partie du XXème siècle a été notamment une période de progrès spectaculaires que ce soit en matière de transplantation ou encore de génétique. Dans ce domaine en particulier, où, en République Tchèque, les travaux de Gregor Mendel, il y a plus de 150 ans ont été fondateurs, les améliorations technologiques et l’acquisition de connaissances ont permis d’ouvrir les portes d’une meilleure compréhension des maladies et envisager le développement de nouvelles thérapies.

Toutefois, l’accroissement des possibilités d’intervention et de contrôle de la vie humaine liés à ces développements ont, très tôt, fait naitre des préoccupations quant aux implications possibles pour la dignité et l’intégrité de la personne humaine, des utilisations abusives qui pourraient en être faites. Aux espoirs s’est mêlée parfois l’inquiétude.

Née d’une prise de conscience progressive et collective, la nécessité de prévenir ces abus et d’utiliser ces avancées au seul bénéfice des générations présentes et futures s’est imposée.

Comme le souligne le préambule de la Convention, « la conciliation entre progrès, bénéfice pour l’homme et protections peut être assurée grâce à un instrument international forgé par le Conseil de l’Europe qui se trouve là dans le cadre de ses missions. » 

Les développements dans les domaines de la biologie et de la médecine soulèvent en effet des questions essentielles concernant les individus comme nos sociétés dans leur ensemble. Ces questions mettent en jeux des principes fondamentaux communs - celui fondateur de la dignité de l’être humain, mais aussi la protection de l’autonomie, la protection de l’intégrité du corps humain, ainsi que le principe de justice. On comprend dès lors la pertinence d’une approche globale de la démarche.

C’est la protection de ces principes fondamentaux qui a guidé le travail d’élaboration de la Convention d’Oviedo – une élaboration qui a abouti à un ensemble de principes devenus le patrimoine juridique commun aux Européens dans le domaine biomédical.

Un instrument juridique qui ne répond pas à toutes les questions éthiques - ce n’est pas sa vocation.

Une Convention dont le contenu ne constitue pas non plus le plus petit dénominateur commun.

Mais une convention cadre, formant un socle de principes reflétant les valeurs communes de protection des droits de l’homme, sur lesquels les Etats peuvent s’appuyer. Des principes ouverts aux progrès scientifiques et reconnaissant leur importance, mais dont l’objectif est de s’opposer aux éventuels abus.

Cette Convention est le résultat d’un processus complexe portant sur des questions extrêmement sensibles. Un travail qui n’aurait pas abouti sans une collaboration constructive entre toutes les instances et parties prenantes. Une collaboration dont l’Assemblée parlementaire notamment, qui a accompagné et soutenu ce processus, a souligné l’excellence dans son avis sur le projet final.

Faisant l’éloge de ce processus, le rapporteur de l’Assemblée parlementaire (M. Palacios) évoquait dans ce contexte des « désaccords sereins et constructifs ». L’on peut s’étonner d’une telle expression, mais on en comprend  pleinement l’importance lorsqu’il s’agit de répondre à des questions aussi sensibles.

L’objectif de protection des valeurs fondamentales et de progrès, mais aussi les valeurs de dialogue qui sont celles du Conseil l’Europe y ont été essentiels. Elles le restent aujourd’hui.

20 ans plus tard, cette Convention est devenue une référence au niveau européen, mais également au niveau international. Le séminaire de haut niveau sur la jurisprudence internationale en matière de bioéthique, organisé en décembre 2016, l’a confirmé. La référence à la Convention dans la Déclaration universelle de l’UNESCO sur les droits de l’homme et la bioéthique et les dispositions de la Charte européenne des droits fondamentaux en témoignent.

L’on peut s’en réjouir, comme l’on peut se réjouir des avancées dans le domaine biomédical et des progrès pour la santé humaine au cours de ces 20 années.

Mais, face à l’évolution extrêmement rapide - vertigineuse parfois - des sciences et des technologies et de leurs applications potentielles sur l’Homme, les préoccupations qui ont guidé les travaux d’élaboration de ce texte il y a 20 ans restent d’une grande actualité.

Ce que nous célébrons aujourd’hui doit également être l’occasion de rappeler la nécessaire vigilance qu’il convient toujours d’avoir face à tout développement susceptible de porter atteinte aux valeurs essentielles de protection des droits de l’homme.

Ce qui semblait acquis paraît parfois s’éroder ; les frontières traditionnelles se floutent ; les forces motrices et les acteurs changent.

L’évolution des sciences et des techniques peut être vue comme un continuum, mais l’on peut se demander si nous ne sommes pas aujourd’hui parvenus à une nouvelle étape particulièrement critique, en raison des possibilités de contrôle voire de modification de la vie humaine qu’offrent leurs applications potentielles.

La réflexion s’impose. Elle concerne tous les citoyens.

Comme le souligne l’article 28 de la Convention, « les Etats doivent veiller à ce que les questions fondamentales posées par les développements de la biologie et de la médecine fassent l’objet d’un débat public à la lumière des implications médicales, sociales, économiques, éthiques et juridiques. » 

Les comités d’éthique peuvent jouer un rôle essentiel à cet égard. La présence de représentants de plusieurs de ces comités nationaux, mais également d’instances éthiques au niveau européen et international aujourd’hui me semble particulièrement importante dans ce contexte.

La mise en place d’enseignements sur l’éthique à l’intention des professionnels concernés, mais également des enseignants et du public en général contribuent également à la nécessaire sensibilisation à ces questions.

La Conseil de l’Europe y contribue. Le développement d’un cours, dans le cadre du programme HELP, sur les principes essentiels de bioéthique, destiné aux professionnels du droit et de la santé répond à cet impératif.

Mesdames et Messieurs,

Ces questions dont vous allez débattre aujourd’hui sont au cœur du mandat  du Conseil de l’Europe. Depuis les années 1980, sa vigilance n’a jamais cessé dans ce domaine. Par sa mission, mais également par la promotion du dialogue et des échanges, elle a permis l’adoption de la Convention d’Oviedo, qui nous réunit aujourd’hui.

La décision de la République Tchèque de faire de cette conférence l’une des priorités de sa Présidence du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe témoigne de la pertinence et de l’importance des travaux de notre Organisation dans ce domaine. Et je voudrais remercier la République Tchèque pour cela et pour sa décision de signer, à cette occasion, le Protocole additionnel à la Convention d’Oviedo relatif aux tests génétiques à des fins médicales. Nous ne pouvons que souhaiter qu’elle soit rapidement suivie de sa ratification qui permettra au Protocole d’entrée en vigueur. Un beau symbole pour la patrie de Mendel!  

Plus que jamais, face à l’évolution technologique et scientifique, les principes de référence établis dans cette Convention et les valeurs de dialogue du Conseil de l’Europe sont essentiels pour répondre aux nouveaux enjeux pour les droits de l’homme.

Protéger les droits de l’Homme et encourager les avancées de la biomédecine pour le bénéfice des êtres humains. C’est aussi construire la confiance.

Convaincue que cette conférence contribuera à ces objectifs et qu’elle fournira une base solide aux actions qui seront nécessaires pour répondre aux priorités qui seront identifiées, je vous souhaite d’excellents travaux.