Retour Espagne : lutter contre les inégalités en matière de santé et de logement, protéger les libertés d’expression et de réunion et permettre aux personnes en quête d’asile d’entrer sur le territoire par des voies légales et sûres

Rapport de visite pays

La Commissaire aux droits de l'homme, Dunja Mijatović, a publié aujourd’hui le rapport sur la visite qu’elle a effectuée en Espagne en novembre 2022. Elle y formule des recommandations sur les droits sociaux, en particulier le droit au logement et le droit à la santé, sur la liberté d’expression et la liberté de réunion et sur les droits humains des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants.

« Malgré les efforts importants déployés ces dernières années pour mieux protéger les droits sociaux, les possibilités de réalisation de ces droits continuent de varier beaucoup selon l’endroit où l’on vit », constate la Commissaire. Elle préconise d’allouer les ressources de manière transparente et durable et d’adopter des normes communes pour satisfaire les besoins spécifiques des plus vulnérables, en étroite coopération avec toutes les autorités compétentes aux niveaux central et local.

Selon la Commissaire, il est urgent de s’attaquer aux problèmes structurels qui entravent l’accès à un logement adéquat : la faible proportion de logements sociaux, les coûts élevés de location ou d'achat d'un logement, les expulsions forcées et l'augmentation du nombre de sans-abris. « Le logement ne doit pas être considéré comme un bien réservé à certaines personnes. L'accès à un logement adéquat est un droit humain qui conditionne la pleine jouissance de la plupart des autres droits », rappelle la Commissaire. Elle met l’accent sur l’importance d’adopter dès que possible le projet de loi sur le logement, qui est examiné actuellement par le Parlement, car il traite de certains de ces problèmes.

La Commissaire constate aussi des différences régionales dans la prestation des soins primaires et des soins spécialisés, et la prédominance des cliniques privées dans certaines régions. « Il faut prendre des mesures supplémentaires pour renforcer l'accès universel à des services publics garantissant à tous des soins de santé de qualité dans toute l'Espagne », souligne-t-elle. Elle note que les investissements consacrés aux soins primaires sont insuffisants et que les conditions d’emploi du personnel de santé sont préoccupantes. Elle attire l’attention sur le taux de mortalité élevé des personnes placées en institution qui a été observé pendant l’épidémie de covid-19 et observe que ces décès doivent encore faire l'objet d’enquêtes effectives et de réponses adéquates, auxquelles il convient d’associer étroitement les familles des victimes. En outre, la Commissaire prend note avec intérêt de la volonté des autorités de réformer le système de prise en charge des personnes âgées et souligne que cette réforme devrait viser à mettre en place une offre intégrée de services sociaux et de santé qui garantisse le plein respect de la dignité, de l’autonomie et de l’indépendance de ces personnes. Elle salue aussi les mesures importantes prises pour protéger la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes et des filles, et appelle le Gouvernement à veiller à ce que les inégalités régionales ne compromettent pas cette évolution positive.

Par ailleurs, la Commissaire souligne que l’application de plusieurs dispositions de la loi de 2015 sur la sécurité des citoyens et du Code pénal continue d’avoir un impact négatif grave sur l’exercice des libertés d’expression et de réunion, notamment pour les défenseurs des droits humains et les journalistes, en créant un effet globalement paralysant sur la société. La Commissaire répète que cette loi de 2015 devrait être rendue pleinement conforme aux normes européennes et internationales en matière de droits humains ; en effet, l’un des meilleurs moyens d’assurer la sécurité des citoyens est de protéger les droits humains, y compris les libertés d’expression et de réunion. Tout en se réjouissant que le crime de sédition ne figure plus dans le Code pénal, elle considère que d’importants changements restent nécessaires pour renforcer la protection des droits à la liberté d’expression et à la liberté de réunion. De plus, elle se déclare préoccupée par les allégations de recours disproportionné à la force par les forces de l’ordre, d'utilisation inappropriée d’armes anti-émeutes et d'absence de numéros d'identification clairs et visibles, notamment lors des manifestations. Il faudrait aussi renforcer l’ensemble du système de responsabilisation des forces de l’ordre et de contrôle de leurs activités, estime la Commissaire.

Concernant les droits humains des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants, la Commissaire salue les dispositions prises pour protéger et accueillir les personnes fuyant la guerre en Ukraine, pour améliorer les conditions d’accueil dans les îles Canaries, et pour protéger et accueillir de manière adéquate les enfants migrants non accompagnés. Elle déplore cependant que l'accès aux droits et à la protection varie considérablement d’une région à l’autre et reste très difficile pour de nombreux réfugiés et demandeurs d'asile, à cause des longues périodes d'attente précédant l’ouverture d’une procédure d'asile, des retards dans l'identification des vulnérabilités particulières, et des obstacles entravant l'accès aux droits sociaux, notamment au logement et aux soins de santé. Elle souligne l’absence de possibilité réelle et effective de demander l'asile à la frontière entre Nador, au Maroc, et Melilla. « Il ne semble pas y avoir d’autre moyen d’entrer en Espagne par Melilla et de faire une demande de protection auprès des autorités compétentes que de nager ou d’escalader la clôture, au péril de sa vie », constate la Commissaire. Elle demande instamment aux autorités de faire en sorte que les personnes ayant besoin d’une protection puissent entrer sur le territoire espagnol par des voies légales et sûres. Elle souligne aussi que l’Espagne - comme d’autres États membres du Conseil de l’Europe - doit se garder de contribuer, directement ou indirectement, à des violations des droits humains lorsqu’elle prend des mesures pour mettre en œuvre sa coopération avec des pays tiers dans le domaine migratoire. La Commissaire ajoute que la situation aux frontières entre le Maroc et l’Espagne montre une nouvelle fois l’urgence d’améliorer le partage des responsabilités et la solidarité entre les États membres du Conseil de l’Europe.

Strasbourg 10/05/2023
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