Retour La Croatie devrait remédier aux insuffisances concernant la justice transitionnelle, l’immigration et la liberté des médias

Rapport de visite pays
Ježevo, centre de détention pour étrangers près de Zagreb, Croatie

Ježevo, centre de détention pour étrangers près de Zagreb, Croatie

Strasbourg, 5 octobre 2016 – « La Croatie a sensiblement amélioré sa législation et sa pratique dans le domaine des droits de l’homme au cours des dernières années. Toutefois, des développements récents remettent gravement en cause ces avancées », a déclaré Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, à l’occasion de la publication, aujourd’hui, d’un rapport sur la visite qu’il a effectuée dans le pays en avril dernier.

Le Commissaire est préoccupé par le récent recul de la coopération interétatique dans la région en matière de poursuite des crimes de guerre perpétrés dans les années 1990. « Il est inquiétant de constater qu’en Croatie certaines violations graves des droits de l’homme commises dans le passé demeurent impunies. Les autorités devraient mettre fin à cette situation et poursuivre, juger et sanctionner de manière effective les auteurs de crimes de guerre. »

Tout en se félicitant de la promulgation de la loi qui prévoit l’octroi d’une réparation aux victimes de violences sexuelles commises en temps de guerre, le Commissaire exhorte les autorités à remédier aux lacunes qui subsistent dans la loi et dans sa mise en œuvre. En particulier, la Croatie est instamment invitée à veiller à ce que toutes les victimes de crimes de guerre et leurs familles bénéficient d’un accès effectif à la justice et d’une réparation adéquate. En outre, le Commissaire Muižnieks appelle à intensifier les efforts aux niveaux national et régional afin d’élucider les cas non résolus de personnes disparues et recommande à la Croatie d’adhérer à la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.

Saluant les efforts des autorités pour créer des conditions propices au retour des personnes déplacées pendant le conflit armé de 1991-1995, le Commissaire leur recommande de prêter davantage attention aux besoins des rapatriés appartenant à des minorités nationales, afin qu’ils puissent pleinement exercer leurs droits économiques, sociaux, culturels et linguistiques. Il exhorte également la Croatie à adhérer aux traités du Conseil de l’Europe relatifs à la nationalité et à l’apatridie et à améliorer sa législation de façon à résoudre le problème des personnes toujours apatrides ou exposées au risque d’apatridie, dont le nombre dépasse 2 800, y compris les Roms qui n’ont pas de résidence permanente ou temporaire dans le pays.

Des mesures devraient être prises sans délai face à la multiplication signalée des manifestations d’intolérance ethnique et des crimes de haine et à leurs effets délétères sur la cohésion sociale en Croatie. « Le renforcement du cadre législatif et institutionnel dans ce domaine va dans le bon sens. Il faut maintenant mener une action plus résolue pour sensibiliser le public et appliquer de manière effective cette législation, notamment en améliorant le système d’enregistrement des données relatives aux crimes de haine et en formant systématiquement les membres des forces de l'ordre et les professionnels du droit. »

Saluant  l’approche humanitaire des autorités vis-à-vis des migrants, y compris les demandeurs d’asile, qui ont transité par le pays en 2015 et 2016, ainsi que le rôle constructif important joué dans ce contexte par l’Ombudsman et la société civile, le Commissaire recommande d’éviter d’affaiblir les garanties juridiques applicables aux migrants. A cet égard, il souligne l’importance de supprimer du projet de loi sur les étrangers les dispositions qui érigent en infraction l’assistance sociale et humanitaire aux migrants en situation irrégulière et font obligation aux migrants détenus dans l’attente de leur éloignement forcé de payer leur hébergement et leur voyage de retour.

En ce qui concerne la liberté des médias, le Commissaire constate avec préoccupation que des problèmes persistants, mais aussi des développements plus récents, érodent la capacité des médias à offrir un service public impartial. « Les autorités devraient abroger toutes les dispositions pénales relatives à la diffamation et condamner tous les actes de violence qui portent atteinte à la liberté d’expression de journalistes, diligenter des enquêtes à leur sujet et sanctionner leurs auteurs. Les changements de personnel nombreux et précipités qui ont eu lieu récemment dans les médias de service public et les allégations de censure sont également une source d’inquiétude quant à la situation des médias dans le pays. Les autorités devraient protéger les médias contre toute ingérence indue et garantir l’indépendance de l’autorité de régulation de la radiodiffusion, y compris en évitant toute partialité politique dans les procédures nationales régissant la désignation, la nomination et le mandat de ses membres. » 

Enfin, soulignant que les médias sans but lucratif apportent une contribution positive importante au pluralisme et à la promotion de la démocratie, de la tolérance et du multiculturalisme, le Commissaire recommande à la Croatie de revenir sur sa décision de supprimer les subventions publiques versées à ces médias.

Strasbourg 05/10/2016
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