Retour Royaume-Uni : La Commissaire met en garde contre une régression des droits humains, demande des mesures concrètes pour protéger les droits des enfants et s'attaquer aux problèmes de droits humains en Irlande du Nord

Rapport de visite pays

"Tant le système global de protection des droits humains que les droits de groupes spécifiques sont actuellement sous pression au Royaume-Uni. Les autorités ne devraient ménager aucun effort pour inverser cette tendance", prévient aujourd'hui la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatović, en publiant le rapport faisant suite à sa visite au Royaume-Uni en juin 2022.

Le rapport se concentre sur le paysage général en matière de droits humains au Royaume-Uni, sur les droits des enfants et sur les questions spécifiques de droits humains relatives à l'Irlande du Nord.

"Le rapport reflète l'anxiété concernant l'orientation de la protection des droits humains au Royaume-Uni que j'ai observée lors de ma visite. Cette anxiété est alimentée par ce qui semble être une attitude de plus en plus antagoniste envers les droits humains de la part du gouvernement britannique, et surtout par les changements récents et proposés aux lois et aux politiques", observe-t-elle.  

Le plus important d'entre eux est la proposition d'abroger la loi « Human Rights Act » sur les droits humains et de la remplacer par une charte des droits humains (« Bill of Rights »). La Commissaire souligne que plutôt que de renforcer les droits humains au Royaume-Uni, cette mesure les affaiblirait, notamment en encourageant les divergences entre l'interprétation des droits humains par les tribunaux nationaux et par la Cour européenne des droits de l'homme. En outre, la Commissaire s'inquiète de l'impact de la loi sur la police, la criminalité, les condamnations et les tribunaux (« Police, Crime, Sentencing and Courts Act »), notamment de son effet paralysant sur le droit de réunion pacifique, qui sera aggravé si le projet de loi sur l'ordre public « Public Order Bill » est adopté. La Commissaire souligne également une régression significative dans le respect des obligations internationales du Royaume-Uni en matière de respect des droits humains des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants, notamment par l'élargissement des règles d'irrecevabilité des demandes d'asile, le maintien du projet des expulsions vers le Rwanda et la criminalisation des demandeurs d'asile arrivant de manière irrégulière. Elle demande en outre que des mesures soient prises pour contrer le discours public toxique à l'égard des personnes trans, qui risque d'annuler les progrès réalisés au Royaume-Uni dans la lutte contre la discrimination à l'égard des personnes LGBTI. Enfin, la Commissaire réitère son appel au gouvernement britannique à ne pas autoriser l'extradition de Julian Assange, en raison de l'impact que cette mesure aurait sur la liberté des médias en général.

Pour mieux protéger les droits des enfants, la Commissaire demande que des mesures urgentes soient prises pour lutter contre la pauvreté des enfants, notamment en élaborant des stratégies complètes et en fixant des objectifs contraignants, ainsi qu'en s'attaquant aux éléments structurels du système de protection sociale et d'allocations. Des mesures spécifiques doivent également être prises pour lutter contre l'insécurité alimentaire des enfants, notamment en œuvrant à la fourniture universelle de repas scolaires gratuits, et pour concrétiser leur droit à un logement adéquat. D'autres mesures à prendre pour mieux protéger les droits des enfants comprennent la révision de l'utilisation des pouvoirs d'interpellation et de fouille à l'encontre des enfants, y compris la pratique de la fouille à nu, le relèvement de l'âge minimum de la responsabilité pénale pour le mettre en conformité avec les normes internationales, et la garantie que les jeunes de 16 et 17 ans peuvent pleinement bénéficier d'une justice adaptée aux enfants. Des mesures devraient également être prises pour s'appuyer sur les bonnes pratiques visant à promouvoir la participation des enfants à la prise de décision, notamment en abaissant l'âge du droit de vote le cas échéant.

En ce qui concerne l'Irlande du Nord, le gouvernement britannique devrait envisager de retirer la proposition de loi « Legacy Bill » compte tenu de la vaste opposition en Irlande du Nord et des sérieuses questions de conformité avec la Convention européenne des droits de l'homme qu'elle soulève. La Commissaire souligne : « Les droits et les besoins des victimes doivent être au centre de toute nouvelle mesure relative à l’héritage des Troubles ». Elle demande également que des mesures soient prises pour renforcer la protection générale des droits humains en Irlande du Nord, notamment en fournissant des ressources adéquates à la Commission des droits humains d'Irlande du Nord afin qu'elle puisse remplir pleinement ses fonctions. La Commissaire demande que des mesures soient prises pour protéger les journalistes, ainsi que d'autres groupes à risque, compte tenu des menaces persistantes dont ils font l'objet. Elle souligne qu'il ne peut y avoir d'impunité pour les meurtres de journalistes, rappelant les cas de Martin O'Hagan et Lyra McKee. S'attaquer à la ségrégation généralisée dans le système éducatif d'Irlande du Nord, notamment en augmentant considérablement le nombre d'écoles intégrées, est une autre étape cruciale pour aller de l’avant en tant que société. La Commissaire souligne également qu'un financement adéquat et durable des services d'avortement en Irlande du Nord est essentiel pour préserver la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes.

Strasbourg 09/12/2022
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