Interview de Piotr Switalski, chef de la Direction de la planification politique (2 novembre 2010)



Vous venez d’être nommé chef de la nouvelle Direction de la planification politique ; pouvez-vous nous dire en quoi la planification politique nous concerne ?

PLa planification politique se propose d’interpréter les signes et de prévoir les tendances à venir, mais l’objectif principal est de proposer des analyses critiques, de nouvelles pistes de réflexion et des idées ambitieuses pour aider le Secrétaire Général à concrétiser sa vision d’un nouveau Conseil de l’Europe, pertinent et dynamique.
Tant de choses ont changé ces 20 dernières années... et pas seulement chez les jeunes. Autrefois, pour faire fonctionner des groupes de travail, discuter et prendre des décisions collectives, il fallait impérativement organiser des conférences ; aujourd’hui, nous avons Skype et Twitter. Chacun peut accéder facilement à l’information sur internet et communiquer en ligne avec ses pairs. Notre espérance de vie a augmenté, nos conditions de vie se sont améliorées. La plupart des gens n’ont plus pour préoccupation première d’assurer leur sécurité financière. Aujourd’hui, on défend avant tout les valeurs individuelles et on cherche à se sentir en sécurité. Au niveau politique, l’Union européenne s’est élargie et des pays tels que la Russie et la Turquie connaissent un essor économique sans précédent.
Tout cela implique que nous devons faire évoluer nos méthodes de travail. Les changements sont spectaculaires et, si nous avons peut-être su résoudre les problèmes d’hier, nous devons nous assurer d’être en mesure de résoudre aussi ceux de demain. C’est pourquoi la réforme revêt une importance capitale : il en va de notre capacité à relever les défis à venir.

Quels sont les liens entre la planification politique et le processus de réforme ?

Le Conseil de l’Europe doit être perçu comme un acteur politique important. Nous devons agir en partant du principe que les gouvernements intégreront nos valeurs et nos normes dans leur propre processus de planification politique, et sortir de notre tour d’ivoire.
Tous les membres de notre famille, les Etats membres comme les agents, auront l’occasion de s’approprier et de réaffirmer la mission stratégique du Conseil de l’Europe. Notre Organisation jouit d’une excellente réputation pour la qualité de ses réalisations. Nous avons de nombreux motifs de fierté et disposons d’un personnel hautement qualifié et compétent. La réforme préservera les qualités essentielles et les atouts de l’Organisation. Elle mettra en valeur le Conseil comme il le mérite, par une définition claire de ses orientations et de ses buts.

Que pouvez-vous nous dire au sujet du Groupe d’éminentes personnalités ? Quelle est l’idée à l’origine de cette initiative, et quelle sera sa place dans le processus de réforme ?

Au départ, c’était une initiative des autorités turques et du Secrétaire Général. Il s’agissait de réunir quelques têtes pensantes, alliant expérience et créativité, pour faire le point sur la situation face à la montée de l’extrémisme et de la démagogie. Le groupe tiendra cinq réunions et présentera ses conclusions en mai 2011 à Istanbul. La première réunion a été un franc succès et augure bien de la suite de l’entreprise. Je suis convaincu que, grâce à son dynamisme et sa créativité, ce groupe produira d’excellents résultats.
La réflexion du groupe posera les fondements de la réforme. Jusqu’à présent, celle-ci a été perçue comme principalement administrative ou budgétaire, mais elle est bien plus profonde. Il ne s’agit pas de remédier aux « insuffisances » mais bien de réorienter l’Organisation et de l’adapter aux nouvelles réalités.

Quel est votre sentiment face au travail qui vous attend ?

De mon expérience avec plusieurs organisations internationales, je sais qu’il est plus facile de repartir à zéro. Mais ce n’est pas ce que nous voulons faire ici. L’idée, ici, est de s’appuyer sur les points forts pour faire encore mieux.
J’ai toujours dit que le Conseil de l’Europe était une organisation remarquable parce qu’elle se fondait sur des idées pionnières. Comme les autres organisations internationales, le Conseil travaille pour des gouvernements mais aussi, directement, pour des gens ordinaires. Nos valeurs ne se limitent pas à des considérations politiques, géographiques ou économiques, elles touchent à la dignité et à la liberté de l’homme. C’est un aspect important pour tous les agents : ils ne travaillent pas seulement pour une institution, ils servent une cause. J’espère que la réforme donnera à chacun une vision plus claire et une nouvelle source de motivation. C’est pourquoi je m’attaque à cette tâche avec enthousiasme.