Accueil
Projets - Présentation
Activités
   
 

(nouveau site web)

   

 

Bonne gouvernance dans la société de l'information

   

  Démocratie

   électronique(CAHDE)

 

  Gouvernance

   électronique

 

  Vote électronique

   

 

 

 

  Participation du public

   à la gouvernance

   de l'internet - IGF

Projets précédents
Documents de base
Publications
 


 

Publications récentes

 

Toutes les publications

Liens utiles


Projet Intégré 1

Les institutions démocratiques en action

 

IP1(2002)9f
Strasbourg, le 6 juin 2002

Projet intégré 1:

Atelier sur l'e-gouvernance

10-11 juin, 2002
Strasbourg
Qu’est ce que l’e-gouvernance? Par Kate OAKLEY

Qu’est ce que l’e-gouvernance?

Kate Oakley,
Directrice associée
Local Futures Group
3, Queen Sq
Londres WCIN3AU
[email protected]

Introduction

Le présent document se propose d’expliquer brièvement la notion de «gouvernance électronique», que je définis comme un ensemble de méthodes utilisant les technologies de l’information qui transforment tant la fourniture des services publics que les 1relations plus générales entre les citoyens et les gouvernements.

Les preuves des effets de ces transformations sont encore peu nombreuses, en partie parce que ces méthodes viennent seulement de commencer et en partie parce que de nombreux systèmes gouvernementaux préfèrent mesurer leurs méthodes internes plutôt que leurs effets externes. Néanmoins, je vais essayer autant que possible de donner des exemples «vivants» des changements amenés par la gouvernance électronique, à partir des recherches approfondies que nous avons effectuées au Royaume-Uni et ailleurs.

J’étudierai brièvement la notion de «gouvernance électronique» qui s’inscrit selon nous dans le cadre de la démarche plus générale visant à moderniser le gouvernement. Nous employons l’expression «gouvernance électronique» plutôt que «gouvernement électronique» pour rendre l’idée de la transformation des relations institutionnelles et de la participation à la gouvernance électronique de partenaires issus de la société civile et des entreprises. L’expression «gouvernement électronique» renvoie de manière plus étroite aux méthodes des gouvernements nationaux, locaux ou régionaux. Nous proposerons trois modèles de gouvernance électronique qui fonctionnent actuellement - tout en reconnaissant que les initiatives nationales dans ce domaine peuvent associer des éléments appartenant à plusieurs modèles. Nous examinerons ensuite des exemples de fourniture de services publics et la
manière dont la gouvernance électronique est en train de modifier, ou risque de modifier le paysage de démocratique. En conclusion, nous examinerons les faiblesses de l’approche actuelle et la manière dont elle pourrait évoluer à l’avenir.

Quels sont les avantages de la gouvernance électronique?

La notion de gouvernance électronique trouve son origine dans les efforts consentis par de nombreux pays pour moderniser leurs pouvoirs publics face à ce qu’ils perçoivent comme un mécontentement ou une désaffection des citoyens. Cette désaffection se manifeste diversement, mais est reflétée dans de nombreux pays par la chute des taux de participation aux élections et, en particulier, dans les démocraties «anglo-saxonnes», par le sentiment que les services publics sont insuffisants et médiocres. Une des conséquences possibles est «la sortie du système» des catégories les plus favorisées qui choisissent de s’adresser à des services privés en matière d’éducation et de soins de santé, ce qui a pour effet l’éclatement de consensus social sur la fourniture de ces services.

Bien que les gouvernements utilisent les technologies de l’information et des communications («TIC») depuis cinquante ans et que des technologies comme Internet ou le web soient l’un et l’autre les produits du travail d’institutions bénéficiant de fonds publics ou d’organisations gouvernementales, la notion de gouvernance électronique est plus récente. Au Royaume-Uni, l’idée est apparue dans le cadre du travail de modernisation des pouvoirs publics entrepris par le gouvernement travailliste élu en 1997.

La notion de «modernisation» était intimement liée avec ce que l’on a parfois appelé le gouvernement «interconnecté» ou «holistique» («joined up»). Les bénéfices escomptés étaient doubles: il s’agissait de reconstruire les pouvoirs publics dans l’intérêt des citoyens, plutôt que des producteurs, en s’intéressant moins aux «ministères» et aux «silos» et davantage aux personnes et à la «vie réelle». Deuxièmement, beaucoup de gens reconnaissent que de nombreux problèmes de la société, de la criminalité à l’échec scolaire, résultent d’interactions multiples et que la seule manière de mieux les traiter consiste à mieux comprendre leur interdépendance. Et cela implique d’interconnecter les informations dont nous disposons – afin que, par exemple, si nous savons que beaucoup de petits délits sont commis par des enfants qui font l’école buissonnière, nous puissions identifier à un stade précoce ces élèves ou même le comportement qui les amène à sécher les cours et peut-être empêcher ainsi des actes de délinquance. Il faut pour cela avoir une vision intégrée des informations détenues sur les citoyens, une sorte de «gestion sociale des connaissances», qui était impossible avant la généralisation des TIC.

Un autre facteur militant en faveur du gouvernement électronique est la croyance que la généralisation des technologies numériques est essentielle pour la compétitivité nationale à l’avenir. Bien que l’on ne dispose que de peu de preuves à ce sujet, ce qui est surprenant2, tous les gouvernements s’inquiètent d’une dégradation possible du niveau de vie national s’ils ne réussissent pas à amener leurs ressortissants à utiliser efficacement les nouvelles technologies et à acquérir les compétences réclamées de plus en plus par les employeurs.

Il y a donc quatre raisons essentielles pour lesquelles la gouvernance électronique est importante et enflamme l’imagination de nombreux dirigeants. Elle favorise l’adoption de technologies numériques qui sont essentielles pour la compétitivité économique, elle permet au gouvernement de redéfinir son rôle et d’axer davantage son action sur la population, elle permet d’«interconnecter» les informations et donc de gouverner avec plus d’efficacité et elle peut réduire les coûts sans compromettre pour autant la qualité des services publics.

Tous ces avantages sont importants, mais ceux qui critiquent la gouvernance électronique disent à juste titre qu’elle demeure du côté de l’offre, que l’on ne comprend pas suffisamment les besoins du public dans ce domaine et qu’il existe un risque réel que de nombreux pays atteignent leurs objectifs en matière de services publics en ligne dans l’indifférence la plus totale de la population. Pour transformer la manière dont les citoyens vivent les services publics et la prise des décisions, la gouvernance électronique doit accorder une plus grande attention aux questions concernant la demande plutôt que l’offre. Au prochain chapitre nous examinerons les différents modèles de gouvernance électronique qui semblent se développer dans le monde et la manière dont ils reflètent les besoins et les aspirations des citoyens dans des contextes différents.

Modèles de gouvernement électronique

La «gouvernance» varie selon les lieux, il en est de même de la gouvernance électronique et nous nous trompons si nous croyons que la technologie est neutre ou si nous avons une opinion trop déterministe de la gouvernance électronique. Celle-ci se conçoit différemment en Australie, en France ou en Malaisie, de même qu’elle est différente à l’échelon local – au centre de Londres ou dans l’Ecosse rurale, par exemple. Les méthodes technologiques peuvent être semblables, mais les normes, les hypothèses et les moteurs politiques sont extrêmement variés.

Nos recherches nous ont permis d’établir qu’il existe actuellement dans le monde au moins trois modèles principaux de gouvernement électronique:

Le modèle de la «nouvelle économie» - Ce modèle souligne les ressemblances entre le gouvernement électronique et les affaires électroniques, met l’accent sur l’offre de services publics de grande qualité et le passage à une citoyenneté axée davantage sur le «self-service», ce qui avec le temps réduira la taille de l’Etat. La gouvernance électronique est considérée comme une réponse aux besoins à la fois des entreprises et des citoyens habitués au monde des affaires électroniques et met donc l’accent sur la commodité, l’accès 24 heures sur 24, etc… Elle est aussi considérée comme un instrument régional et local du développement économique – le progrès de la gouvernance électronique contribue à attirer des entreprises de haute technologie vers un secteur perçu comme favorable à la technologie. Dans ce modèle, le développement des infrastructures suit généralement le marché, ce qui entraîne la création d’un «fossé numérique». Les Etats-Unis sont le meilleur exemple de ce modèle, mais d’autres pays comme la Nouvelle Zélande ou le Royaume-Uni en ont adopté certains éléments.

Le modèle de la «communauté électronique», préféré par les sociétés de l’Europe continentale, notamment les Pays-Bas ou les pays scandinaves qui ont une forte tradition en matière de société civile et de liberté de l’information, des niveaux élevés d’éducation et de pénétration technologique et une répartition des richesses relativement équitable. Les réseaux civils et l’accès du public ont toujours été importants dans ce modèle et là où il existe des fossés numériques, l’intervention des pouvoirs publics vise souvent à en atténuer les pires aspects. Ce modèle insiste sur les possibilités d’innovations sociales offertes par un accès élargi et le rôle des citoyens en tant que coproducteurs des services2.

Le modèle de l’économie planifiée, utilisé dans des pays comme Singapour ou la Malaisie qui emploient traditionnellement des outils interventionnistes du secteur public pour diriger et orienter les activités et les investissements du secteur privé. Comme dans le modèle de la «nouvelle économie», le développement économique est un moteur important, mais le développement des infrastructures et des compétences nécessaires pour les utiliser est considéré comme relevant de la responsabilité du gouvernement, qui subventionne très largement la construction de réseaux (notamment à large bande).

Comme je l’ai indiqué précédemment, les modèles nationaux ne correspondent pas strictement à ces catégories et le Royaume-Uni, par exemple, comporte des éléments provenant des trois modèles. Les discussions au début ont beaucoup tourné autour du modèle de la «nouvelle économie», mais la faillite des «dot.com» et le scepticisme qu’elle a entraîné à l’égard des nouvelles technologies a conduit à un changement d’orientation. On peut en voir un bon exemple dans les objectifs pour 2005 annoncés par le Premier ministre Tony Blair. Ceux-ci ont été amplement critiqués parce qu’ils mesurent la disponibilité plutôt que l’utilisation ou les bénéfices et au cours des derniers mois on s’est efforcé de déplacer ces objectifs vers les services qui représentent un bénéfice social ou économique mesurable. En outre, alors que le déploiement des réseaux à large bande a été laissé en grande partie au marché, des inquiétudes concernant une faible progression de l’utilisation et un développement économique inégal ont incité récemment certains à réclamer l’intervention des pouvoirs publics dans le déploiement de ces réseaux.

Bien que ces modèles soient extrêmement variés, tous les trois peuvent probablement être critiqués parce qu’ils sont parfois trop axés sur le fournisseur («top down»). Le premier modèle répond aux besoins des entreprises, mais non à ceux des citoyens ayant les revenus les plus faibles. Le troisième est paternaliste: «vous aurez accès à la technologie, parce que c’est bon pour vous!». Et même le second modèle, qui se développe à partir d’un modèle «communautaire» plus fort, privilégie certains types de communautés (celles qui veulent s’impliquer) au détriment d’autres (celles qui veulent qu’on les laisse tranquilles).

L’analyse de l’impact est essentielle si l’on veut que la gouvernance électronique change vraiment la vie des gens et soit plus qu’une collection de sites web et de portails gouvernementaux. Malgré la pléthore de systèmes de gouvernance électronique dans le monde entier, aux niveaux local et national, de nombreux résultats disponibles jusqu’à présent font état d’une amélioration des méthodes administratives – plutôt que des effets sur les citoyens ou les lieux. En d’autres termes il est facile de trouver des exemples montrant comment les services sociaux d’un secteur utilisent désormais pour traiter une demande quelques circulaires au lieu de 200, mais il est plus difficile de mesurer les effets de ce progrès pour les clients des services sociaux.

Dans le prochain chapitre, je citerai des exemples de gouvernance électronique concernant la fourniture des services publics et l’engagement des citoyens et j’espère vous montrer ce que pourrait être ces effets et comment produire des effets bénéfiques.
Le bilan jusqu’à présent

Comme je l’ai mentionné précédemment, la gouvernance électronique vise en fait une gouvernance «interconnectée» qui produira ses principaux bénéfices lorsque la technologie permettra de relier des ensembles disparates d’informations, de partager les informations et les procédures décisionnels avec les citoyens et de faire en sorte que ces derniers deviennent davantage producteurs et non simplement consommateurs passifs des services. Jusqu’à présent, la plupart des initiatives que nous avons examinées au Royaume-Uni et à divers degrés ailleurs concernaient l’automatisation de certains services et l’augmentation des informations fournies par l’intermédiaire des sites web, etc. Il ne faut pas se moquer de ces initiatives. Il y a probablement très peu de personnes qui souhaitent lire les procès-verbaux des réunions des conseils municipaux en ligne, mais il est souvent essentiel pour les ONG, les groupes de pression, etc. de pouvoir obtenir davantage d’informations des pouvoirs publics Et l’amélioration de certaines procédures internes – qui permet par exemple aux fonctionnaires de l’administration des impôts du Royaume-Uni de ne plus saisir toutes les déclarations d’impôts – devrait libérer des ressources pour des activités plus rentables.

Mais les plus gros profits sont peut-être un peu plus en aval et dépendront dans une large mesure de l’intégration des systèmes gouvernementaux et d’autres systèmes du secteur public. Cependant, on peut voir des signes de changement encourageants.

Un gouvernement décentralisé

Des systèmes de TIC sophistiqués permettent une plus grande décentralisation du gouvernement. Cela est particulièrement notable à l’échelon local où des bureaux de proximité, des agences multiservices et des centres de contacts évitent maintenant aux usagers d’avoir à se déplacer jusqu’à la mairie ou jusqu’au bureau responsable des allocations de logement. Ces nouvelles formes de bureaux de proximité ou d’agences multiservices permettent l’accès à une gamme complète de services, comme le font les filiales bancaires pour le réseau bancaire. Pour cela tout le système doit disposer d’informations exactes sur les citoyens, mais il peut alors répondre bien mieux aux besoins locaux – souvent au niveau du quartier. Plus les décisions concernant la fourniture de services sont prises près des usagers, plus elles peuvent refléter les besoins locaux.

Le conseil municipal de Liverpool, dans le cadre de la coentreprise qu’il a constituée avec British Telecom – un centre d’appel 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 appelé «Liverpool Direct» - projette de traiter près de 80 % de ses contacts avec le public non plus dans les divers services de la mairie mais dans ses centres de contacts et agences multiservices de proximité. Le nombre relativement peu élevé d’agents dans chaque agence multiservices au centre de contacts et leur proximité de la population qu’ils servent signifient que ces agents se considèrent probablement davantage comme des défenseurs des besoins des citoyens plutôt que comme des producteurs de services.

Les usagers en tant que coproducteurs

Pour que les citoyens deviennent vraiment des usagers actifs et même des coproducteurs des services publics, ils doivent s’impliquer de plus en plus dans l’information qui fonde les décisions et être davantage sensibilisés à cette information. La ville de La Haye est en train d’expérimenter une méthode pour cela: les citoyens sélectionnent divers «lots» de services publics en échange de la divulgation de différents niveaux de données à caractère personnel. Ils reconnaissent par là que le gouvernement «interconnecté» a besoin de très nombreuses informations concernant les besoins et les préférences des citoyens et que ceux-ci doivent pouvoir choisir le niveau d’échange («trade off») qui leur convient.

Il y a évidemment des risques que des services publics trop personnalisés deviennent trop fractionnés et privilégient les personnes faciles à servir, qui ont peu de besoins en matière de services et qui utilisent facilement Internet. Dans le secteur public, les données collectées de manière personnalisée constituent avant tout des ressources sociales et doivent être utilisées pour le bénéfice de la collectivité. Ainsi, si nous rassemblons des preuves montrant qu’il y a de fortes chances que les personnes qui ont telle activité aient aussi telle autre activité, nous devrions pouvoir diminuer les coûts des procédés de production en attribuant mieux les ressources – non seulement aux individus, mais à l’ensemble de la société, en élaborant des programmes éducatifs montrant les avantages de l’activité. Ces échanges vont probablement prendre de plus en plus d’importance avec le développement de la technologie de la carte intelligente comme instrument de livraison. L’utilité des cartes intelligentes est fonction de la somme d’informations à caractère personnel qu’elles contiennent.

Des partenariats axés sur le lien et non sur la structure

Parmi les nouveaux instruments organisationnels liés au gouvernement électronique, il y a les partenariats publics/privés comme Liverpool Direct et d’autres encore, qui associent des systèmes et l’expérience technologique du secteur privé et les services et les valeurs du secteur public. Les profits peuvent être financiers – les temps morts chez les agents du centre de contacts de Liverpool Direct sont utilisés pour récupérer les créances douteuses et les arriérés, ce qui représente des économies considérables, alors que les économies réalisées par le traitement des badges pour les places de stationnement des handicapés ont permis d’en réduire le prix de 7 livres à zéro. D’autres gains concernent l’image de l’organisation: les gens disent maintenant qu’ils appellent Liverpool Direct lorsqu’ils ont un problème à régler. Bien que certains gouvernements locaux puissent s’inquiéter des effets « privatisant» d’une telle situation, cette réforme a permis de modifier l’image d’une autorité locale autrefois inefficace qui est maintenant jugée dynamique.

Des partenariats avec d’autres secteurs publics ou d’autres organisations de la société civile sont sources d’autres bénéfices. Pouvoir offrir un meilleur service, c’est donner accès à une gamme d’informations beaucoup plus large dont beaucoup dépassent le cadre de la collectivité locale. Le site du London Borough of Wandsworth est axé sur le lieu, le quartier de Wandsworth, plutôt que sur le conseil municipal et comporte des informations sur la météo, les activités touristiques, les taux de criminalité, etc. Il a été l’un des premiers sites à proposer des applications de planification en ligne et, en liaison avec la police métropolitaine, il informera les résidants de la situation du quartier en matière de criminalité par le biais d’un bulletin électronique.

Les «observatoires» constituent une version plus sophistiquée de ce type de site, notamment celui mis sur pied récemment pour Kingston upon Hull (hull.localknowledge.co.uk), qui rassemble des ensembles de données provenant de partenaires différents et présente les informations sous forme de graphiques faciles à comprendre. Les quartiers pour lesquels les informations sont présentées ont également été redéfinis afin de refléter les lieux où les habitants vivent et auxquels ils s’identifient plutôt que les limites administratives. Là encore, on voit apparaître les possibilités de nouvelles formes de localisation, fondées sur des ensembles de données plus complets et une connaissance des lieux où habitent les gens, et non pas sur des catégories structurelles dans lesquelles ils sont placés.

L’amélioration des services

Des services produits à moindre coût ou plus largement disponibles sont une caractéristique de ces expériences de gouvernance électronique, mais il est plus rare que les services soient véritablement transformés. Cela est dû en partie aux inégalités d’accès à la technologie et confirme l’opinion selon laquelle les bénéfices les plus importants ne viendront que lorsque l’accès sera universel ou presque. Il faut dire que la gestion de systèmes parallèles coûte encore cher et qu’un service (quasi) universel comme l’impôt sur le revenu ne peut être transformé partiellement – c’est tout le système qui doit être repensé. Dans ces conditions, c’est dans les pays scandinaves et les autres pays dans lesquels la technologie est extrêmement répandue que l’on trouve des systèmes transformés. Près de 3 millions de Finlandais ne remplissent plus de déclarations d’impôts, les formulaires traditionnels ayant été remplacés par ce que l’on appelle des «propositions d’imposition». Plutôt que de demander aux contribuables de déclarer leurs revenus et leurs biens, l’administration des impôts collecte les données nécessaires auprès des employeurs, des compagnies d’assurance, des registres fonciers et autres. Elle traite ensuite ces informations et envoie une déclaration fiscale remplie à l’avance au contribuable qui peut fournir des informations supplémentaires le cas échéant ou accepter simplement la proposition fiscale. Le plus souvent, le contribuable n’a rien à faire. Il doit simplement attendre le remboursement qui lui est dû ou payer la somme qu’il doit. Depuis l’introduction de ce système il y a cinq ans environ, 20 à 25 % seulement des Finlandais doivent remplir une déclaration d’impôts. Mais le plus important est que cette organisation repose sur un système fiscal relativement simple – seul le traitement des exceptions est coûteux – et depuis son introduction le système a encore été simplifié.

La participation des citoyens

Le potentiel démocratique des TIC est reconnu depuis longtemps, et l’on se souvient de l’enthousiasme des premières expériences des communautés en ligne. Il est tout à fait évident que les technologies comme Internet rendent accessibles plus d’informations à plus de personnes. Les gouvernements peuvent encore ignorer cette réalité et sont toujours très attachés au secret, mais les citoyens et les groupes de pression ont certainement beaucoup plus de moyens d’informations concernant sur les décisions qui les affectent et même le fondement de ces décisions. On exagère souvent cette plus grande «transparence», mais la possibilité que les citoyens et les groupes de pression disposent d’une base d’informations commune avec les décideurs est extrêmement prometteuse.

D’ailleurs, selon des recherches effectuées aux Etats-Unis3 alors que plus de 60 % des visiteurs des sites web gouvernementaux se connectent pour en savoir plus sur des questions de politique publique qui les affectent, moins de 20 % s’en servent pour des
transactions comme le paiement d’impôts des demandes de permis. Ce fait permet de penser que la réforme des procédures administratives peut constituer une incitation plus importante à utiliser la gouvernance électronique que la réforme des services publics.

Jusqu’à présent, alors que le vote électronique ne semble plus aussi à la mode, du moins dans certains pays (lors d’élections municipales récentes au Royaume-Uni, le vote électronique n’a augmenté que très faiblement la participation des électeurs), des citoyens de plus en plus nombreux participent à de multiples activités comme la planification, les jurys ou les panels de citoyens portant sur des questions extrêmement diverses. Alors qu’on peut légitimement s’inquiéter des effets d’une telle «démocratie directe», notamment lorsque l’accès à la technologie n’est pas réparti également entre les différentes catégories de la société, on ne peut que se féliciter d’une plus grande participation des citoyens aux décisions qui les affectent. Ce dont nous avons besoin maintenant ce sont des outils TIC plus sophistiqués, qui rendent compte des «connaissances locales» informelles dont disposent les individus, autant que du discours savant plus officiel qui domine généralement le contenu de ces systèmes.

Conclusions

Les premières initiatives de gouvernance électronique ont déjà amené un changement d’orientation; on est passé de l’idée qu’il suffisait d’améliorer l’accès aux services en les mettant sur le web à l’idée plus complexe qu’il fallait transformer tout ce qui relevait des pouvoirs publics. Evidemment, les TIC ne sont que des instruments de cette transformation, elles ne la créent pas et ce sont les normes sociales et politiques dans tous les secteurs qui décideront de l’avenir des systèmes de gouvernance électronique.

Nous commençons maintenant à voir des institutions gouvernementales qui se transforment: promotion du travail en partenariat avec les citoyens, les entreprises et les organisations du secteur associatif; décentralisation et améliorations des méthodes de travail; services davantage personnalisés et « consommateurs de savoir »; et parfois ouverture et transparence plus grande des mécanismes politiques. Toutes ces réformes sont loin d’être terminées mais beaucoup pourraient s’arrêter en chemin, à cause de l’inégalité d’accès aux technologies ou d’un contenu jugé aliénant ou paternaliste par les usagers.

Il faut développer des systèmes bien plus complexes pour repérer et mesurer l’impact de la gouvernance électronique, afin de pouvoir juger de sa réussite en d’autres termes que la simple «disponibilité». Et nous devons pouvoir évaluer son impact réel sur les citoyens, et pas seulement les progrès de production et de distribution des services publics.

Avant tout, la gouvernance électronique doit être considérée comme une partie de la gouvernance, et non comme un ajout. Les décisions en matière de technologie – de l’utilisation d’une source ouverte au traitement des données à caractère personnel – relèvent de plus en plus du domaine politique et l’on doit s’en féliciter. Car c’est seulement lorsque nous abandonnerons la mention «électronique» pour ne plus parler que de gouvernance que nous pourrons considérer que la gouvernance électronique aura réussi.

1

2
Voir, par exemple, Getting the Measure of the New Economy, Diane Coyle and Dany Quah (2002).

3

The rise of the e-citizen, Pew Internet and American Life Project (2002).