Colloque : « Culture européenne : identité et diversité »
Strasbourg, France
8-9 septembre 2005

Intervention de Mme LALUMIERE

Très rapidement et sans chercher à faire de conclusion, - ce qui serait tout à fait prétentieux - je ferai trois remarques principales après vous avoir entendus les uns et les autres :

La première remarque porte sur l’importance donnée, par les différents intervenants, à l’idée qu’une identité, quelle qu’elle soit, et en particulier l’identité européenne, est une notion ambivalente. Elle peut être positive car elle permet à chacun de se mieux connaître et de se situer par rapport aux autres. Mais elle peut aussi dégénérer en une affirmation excessive des caractéristiques et des différences de chacun ou de chaque groupe. Cela peut conduire à la ghettoïsation, au sectarisme et éventuellement à des conflits. Exalter son identité peut aller très loin. Ainsi l’identité nationale a parfois conduit aux pires horreurs. Donc attention aux identités trop fortement affirmées parce que cette affirmation risque de « déborder » dangereusement.

Pour que l’identité européenne reste flexible, fluide, évolutive, il faut organiser des dialogues d’abord entre européens, puis avec les pays du voisinage, notamment méditerranéens, enfin au-delà. J’ai bien senti dans les propos échangés qu’il ne fallait pas s’en tenir à un petit périmètre géographique. Constamment les intervenants ont insisté sur l’idée que toute identité, y compris l’identité européenne, n’est pas liée à un territoire. Autrement dit, les limites géographiques de l’Europe ne tracent pas forcément les limites de l’identité européenne. C’est un constat intéressant pour certains pays aux marches de l’Union européenne dont on conteste l’européanité… Qu’est-ce que l’européanité ? Il y a bien des éléments de géographie mais c’est surtout l’histoire et la culture qui forgent l’identité.

Deuxième idée : l’importance du but. On a une identité pour faire quelque chose, pour défendre quelque chose. En l’occurrence, si on parle de l’identité européenne, c’est pour construire l’Europe, c’est à dire pour défendre une certaine culture ou même une certaine civilisation, ou quelque chose comme cela. Et puis des valeurs.

L’affiche qui nous invitait au colloque d’aujourd’hui évoquait l’Europe humaniste. C’est un choix judicieux et révélateur. Oui, notre Europe est d’abord fondée sur des valeurs humanistes issues d’influences multiples : la tradition judéo-chrétienne, l’héritage grec et latin, le siècle des Lumières et de la rationalité, l’influence arabo-musulmane, etc… Et la construction européenne a pour objectif de défendre une conception de l’individu et de la société fondée sur ces valeurs. Le problème aujourd’hui est que les responsables politiques de l’Europe et notamment de l’Union européenne semblent avoir perdu le sens du projet et n’affichent pas clairement un but de nature à galvaniser les énergies et à enthousiasmer la jeunesse. Tant que l’on n’aura pas fait cela, on aura ce climat de morosité que l’on connaît malheureusement actuellement. Les gens, et notamment les jeunes, ont besoin d’un but, et si possible un but qui recèle un idéal et une part de rêve.

Et puis troisième remarque : j’ai été précisément étonnée que l’on discute très peu du contenu humaniste de l’identité européenne comme si cela allait de soi. Vous me direz que nous sommes au Conseil de l’Europe où effectivement, cela va de soi. La pierre angulaire de l’identité européenne c’est le respect des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme. Tout cela est clair ici. Mais dans d’autres enceintes et dans d’autres milieux, ce serait peut-être moins clair… L’Union européenne notamment a besoin de donner aux nombreuses actions et politiques qu’elle mène ici et là, un fondement philosophique et culturel qui soit autre chose que la recherche de biens économiques ou du matérialisme.

A l’issue de ces travaux, je voudrais remercier très chaleureusement les intervenants pour la grande qualité des propos qu’ils ont tenus et pour l’intérêt qu’ils ont suscité.