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Evénements en 2005
Manifestations dans les pays participants
 
Conférence "Dialogue interculturel : aller de l'avant"
27-28 octobre 2005
Programme (pdf)
  Rapport sur le colloque "Culture européenne : identité et diversité"
  Plate-forme ouverte de coopération (pdf)
  Mémorandum de coopération avec la Fondation Anna Lindh pour le Dialogue entre les Cultures
  Programme d’activités coordonné entre le Conseil de l'Europe et l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO)
  Déclaration de Faro (pdf)
  Convention-cadre (pdf)
  Rapport explicatif (pdf)
  Actes de la Conférence d'ouverture de Wroclaw (pdf)
  Galerie photos de la conférence de Faro
   
Colloque "Culture européenne : identité et diversité"
8-9 septembre 2005
Les intervenants et leurs contributions
Liste des participants
  Résumé (pdf)
 
Conférence de lancement
9-10 décembre 2004
Déclaration
Cérémonie d'attribution de mentions à cinq itinéraires culturels
Les nouvelles dimensions d'Europe
Cinquante ans de la Convention culturelle européenne (pdf)
Texte de la Convention - Etat des signatures et ratifications
 
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40 ans de coopération culturelle européenne 1954-1994 par Etienne GROSJEAN
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Colloque : « Culture européenne : identité et diversité »
Strasbourg, France
8-9 septembre 2005

Maria Hadjipavlou,
Professeur Assistant à l’Université de Chypre

Je vous remercie de m’avoir invitée à participer aux travaux de cette éminente assemblée ; on a toujours le sentiment de pouvoir espérer et agir lorsque l’on se trouve au Conseil de l’Europe, organisation qui s’attache à nous faire vivre dans un monde meilleur, plus sûr, plus juste et équitable.

Permettez-moi de commenter brièvement les interventions précédentes et de poser certaines questions auxquelles nous pourrions réfléchir.

Le sujet de l’identité est effectivement important, non seulement pour les universitaires et les sciences sociales, mais aussi dans des sociétés marquées par des antagonismes, où il est souvent une cause de conflit. Comme l’ont indiqué d’autres orateurs, l’identité est une construction sociale, et non une unité stable et déterminée ; elle est fluide et poreuse, ce qui nous amène à comprendre les identités multiples que chacun d’entre nous acquiert au cours de sa vie. En ce sens, l’identité est toujours un processus. Les identités nationales et ethniques se réfèrent à des pratiques culturelles et sociales partagées, ainsi qu’à des souvenirs historiques qui sont source de fierté et d’affliction collectives ou de traumatismes. Dans ce contexte, nous devons nous demander ce qui se passe quand certaines parties de nos identités deviennent figées et rigides, à des moments où existent des conflits sociaux. Quels sont les facteurs et conditions qui menacent notre identité ethnique, si bien que certains non seulement se mobilisent pour la protéger mais sont même prêts à mourir pour la défendre ? Un élément connexe est la dichotomie entre « nous » et « eux », qui conduit souvent à schématiser et déshumaniser l’autre. Toutes ces attitudes favorisent les stéréotypes ethniques négatifs, lesquels entraînent des conflits intercommunautaires profondément enracinés et de longue durée. C’est pourquoi je voudrais vous inviter à réfléchir aux aspects qui entrent en ligne de compte quand des identités sont politisées et transformées en questions de pouvoir, de contrôle et de primauté hégémonique d’une identité ou d’un groupe ethnique sur l’autre ou les autres. De telles situations sont incompatibles avec la diversité et le multiculturalisme.

Dans mon domaine, qui est celui du règlement des conflits, nous croyons que les relations d’opposition peuvent changer grâce au dialogue, à des ateliers sur la résolution des problèmes, à des techniques de négociation et à des modalités de conciliation qui permettent de surmonter beaucoup de perceptions erronées, de stéréotypes, d’incompréhensions, de craintes et d’inquiétudes à l’égard des autres. Les communautés peuvent alors, à mesure qu’elles acquièrent une confiance mutuelle, s’engager dans un ordre du jour commun pour éliminer les causes de conflit, souvent enracinées dans des inégalités économiques, politiques, historiques et culturelles. A Chypre, par exemple, je participe depuis vingt-cinq ans à la mise en place de liens de communication et à l’instauration d’un dialogue de fond. Des centaines de groupes de formation bicommunautaires pour le dialogue et la résolution de conflits ont coopéré et une nouvelle collectivité d’individus recherchant la paix et le changement s’est formée. J’ai tiré de cette expérience la leçon suivante : il est nécessaire de légitimer les efforts accomplis au micro niveau, celui des citoyens, et de reconnaître qu’ils apportent une contribution aux efforts plus larges en faveur de la paix déployés au macro niveau. Cette correspondance rapproche les deux niveaux précités, micro et macro, et engendre une société civile active. De cette manière, la démocratie participative est renforcée et la politique devient synonyme de responsabilité collective et d’engagement public. A Chypre, l’ouverture partielle de la « ligne verte » a offert l’occasion de contacts face à face et de visites réciproques du nord et du sud. Des milliers de Chypriotes de toutes communautés ont revu leur maison et leurs biens après une période de près de trente ans, ce qui signifiait que l’on parvenait à assumer le passé et à regarder la réalité en face pour l’avenir. Les émotions ont souvent été très intenses, mais il en est résulté une compréhension nouvelle de soi et d’autrui. L’autre est apparu comme un être humain avec qui il était possible d’établir des relations et une amitié. Malheureusement, cette dynamique au sein de la population n’a pas été transformée en initiatives politiques au macro niveau. Cet exemple illustre l’absence de liens et la méconnaissance de la contribution que peut apporter la société civile.

Je voudrais aborder un autre point relatif aux valeurs et aux éléments constitutifs de l’identité européenne. Il me semble que les principales valeurs nécessaires afin de promouvoir une mentalité multiculturelle et le respect de la diversité sont celles de l’empathie et de l’inclusion. Si nous acceptons que l’ « altérité » fait partie de nous, notre optique mentale évolue, qu’il s’agisse de l’élaboration des politiques ou des relations de terrain. Nous pouvons propager ces valeurs par le biais de l’éducation formelle et informelle, d’une part et, de l’autre, par les médias et par la production d’images et de films nouveaux, montrant les réalisations culturelles de l’autre, ce qui permet de voir les points communs et d’apprécier les différences. Je propose ici un dialogue entre intellectuels et esprits créatifs de différentes communautés, qui auraient pour responsabilité de transférer à un public plus large les visions, les matériels et les idées produits en cinquante années de travail par le Conseil de l’Europe. Nous avons besoin de construire des connaissances nouvelles, fondées sur les valeurs que j’ai déjà mentionnées, pour promouvoir en pratique d’autres attitudes conduisant à une culture de paix.

Enfin, il y a lieu de se demander quelles sont les composantes d’une identité européenne. Cette notion se réfère-t-elle seulement au niveau des valeurs, ou faut-il l’élargir aux politiques, aux pratiques, aux engagements, ainsi qu’aux mécanismes de suivi sur l’acceptation de ces valeurs partagées et de ces identités multiples ? Une compétence liée à la question est le développement de la capacité à porter des jugements objectifs, y compris l’autoanalyse et l’autocritique. Enfin, y a-t-il des normes universelles sur ce que constituerait une nouvelle « communauté européenne imaginée », et par qui ces normes sont-elles créées ? Cette interrogation montre que la démocratie participative et le pluralisme sont des conditions essentielles. Souhaitons-nous un monde dans lequel les divisions institutionnalisées ou « habituelles » de toutes catégories seraient éliminées parce qu’elles limitent notre potentiel de croissance et de développement, en tant qu’être humain et en tant que collectivité ? Et quel rôle avons-nous à jouer, nous qui sommes réunis aujourd’hui ?

Je vous remercie.
Dr. Maria Hadjipavlou