Colloque : « Culture européenne : identité et diversité »
Strasbourg, France
8-9 septembre 2005

« Culture européenne Identité et diversité »

Grand rabbin René GUTMAN

S’il est évident que les structures de la société, comme les sciences ou les techniques, la culture la philosophie, et les idéologies politiques sont devenues séculières, en ce sens qu’elles n’ont aucune régulation religieuse, cela ne signifie pas nécessairement que le monde moderne soit complètement désacralisé. Au point que la thèse de « la fin des religions » ou de la théologie de la mort de Dieu, à tout l’air d’une affirmation idéologique qui ne correspond plus à la situation complexe de l’humanité contemporaine, mais qui renvoie peut-être à notre incapacité à déchiffrer les signes de ce retour au sacré, désabusés que nous sommes par la crise de la pratique croyante, ou l’illusion que nous n’aurions encore le monopole du sacré.

La religion n’est plus tant une protestation contre la misère dans nos sociétés occidentales, mais comme une protestation contre l’absence de sens de nos sociétés industrialisées, jusqu’à remplir parfois le rôle de contre culture. Expression d’une créativité, d’une solidarité nouvelle, plus que d’un manque ou d’une crainte encore archaïque ? Dans la mesure où la religion n’est plus nécessairement l’expression de la recherche d’une fausse sécurité, mais plutôt l’expression du désir de l’homme et du dépassement de son désir, au cœur de l’expression humaine, nous sommes invités à dépasser une opposition un peu trop simpliste entre la foi et la religion.

Avec la sécularisation, projet humain et projet divin coïncident-ils au point de conférer à la religion une fonction utopique ? Si la sécularisation engendre bien un désenchantement du monde puisque l’homme se retrouve seul face à lui-même dans un monde désacralisé, d’autre part elle ré-enchante le monde dans la mesure où elle le débarrassé de ses forces terrifiantes et rend l’homme pleinement maître de sa destinée, mais sans espoir d’une compensation ultime. La religion peut-elle cumuler les avantages de la sécularisation et ceux de la religion tout en essayant d’écarter les inconvénients de la sécularisation et de la religion (absence de transcendance et crainte du jugement dernier) ? Pour le judaïsme le problème ne devrait pas se poser pas parce que le rapport avec Dieu ne se conçoit à aucun moment en dehors du rapport avec les hommes. Le sacré ne consume pas, ne soulève pas les fidèles et ne se livre pas à la liturgie des humains, il ne se manifeste que là où l’homme reconnaît et accueille autrui.