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Joint publications with Alternatives Economiques

ONLY IN FRENCH

L'Economie Politique n°39 Pour un nouveau modèle de consommation - 2008

Special edition of the French monthly magazine Alternatives Economiques

Series Trends in Social Cohesion
Methodological guides

European dialogue platform on ethical and solidarity-based initiatives for combating poverty and social exclusion
Seminar : "Renewing dialogue and co-operation to combat poverty and exclusion: public authorities, citizens’ networks, media" (Trento, 4-5 December 2006)

Comment, à l’échelle d’une ville, construire des politiques alternatives à une société qui fabrique l’exclusion

Contribution de David Chiousse, ville d’Aubagne (France)

Les collectivités locales, par leur proximité avec les citoyens, jouent un rôle moteur pour garantir, au quotidien, l’ensemble des droits fondamentaux.
Reconnues, aujourd’hui, sur la scène internationale comme des interlocuteurs de poids, elles se regroupent en réseau pour peser dans le débat sur les droits de l’Homme, militer pour la reconnaissance de nouveaux droits de proximité et la mise en œuvre d’une véritable citoyenneté ouverte à tous les habitants, égaux en droits.

Par son échelle préhensible, ses capacités à établir de fortes mobilisations citoyennes, la lisibilité des problèmes posés sur son territoire… La ville constitue un terrain d’expérimentation et d’innovation.
C’est dans ce contexte que « La Ville » sert de point de référence aux questions de cohésion sociale, à la garantie des Droits sociaux et à la conquête de nouveaux Droits.

I) Présentation de la Charte des Droits de l’Homme dans la ville
En 1998, à l'occasion du 50ème anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, les maires de 41 villes européennes, réunis à Barcelone ont adopté, un Engagement des villes pour les droits de l'homme.
Pour étendre la portée de cet "engagement" et lui donner un statut, les villes signataires ont adopté, en 2000 à Saint-Denis, une Charte européenne des droits de l'homme dans les villes qui part du constat que : « La Convention Européenne des Droits de l’Homme, ratifiée en 1950, offre ce qu’on appelle une garantie juridictionnelle. Et pourtant, de nombreux droits ne sont toujours pas « effectifs » […]
Comment mieux garantir ? Comment mieux agir ? Comment mieux assurer les conditions publiques du bonheur privé de chacun ?
Ici surgit la Ville. […]
Elle est aujourd’hui le lieu de toutes les rencontres donc de tous les possibles. Elle est aussi le champ de toutes les contradictions donc de tous les périls : dans l’espace urbain aux frontières incertaines, s’inscrivent les discriminations ancrées dans le chômage, la pauvreté, le mépris des différences culturelles, alors que, en même temps, s’y ébauchent, s’y multiplient de pratiques civiques et sociales de solidarité.
C’est aussi que la vie en ville impose aujourd’hui de mieux préciser certains droits parce que nous y demeurons, nous y cherchons du travail, nous nous y déplaçons. Elle impose aussi d’en reconnaître de nouveaux : le respect de l’environnement, la garantie d’une nourriture saine, de la tranquillité, des possibilités d’échanges et de loisir, etc. […]
Une volonté : inscrire le lien social, durablement, dans l’espace public.
Un principe : l’égalité.
Un objectif : la montée de la conscience politique de tous les habitants. »

II) Comment se déclinent ces principes sur un territoire ?
Comment passe-t-on des mots aux actes ? Quelles transformations pour des politiques municipales ? Quels mouvements du local au global ?

A) De nouvelles pratiques politiques
En Europe de l’Ouest, nous vivons une crise qui frappe la démocratie délégataire au niveau des États nationaux. Les bureaucraties européennes enfermées dans un carcan néo-libéral equi sont souvent utilisées pour justifier des politiques économiques qui construisent l’exclusions suscitant de très fortes inquiétudes.

Face à cela, la ville apparaît comme un nouvel espace politique et social, possible pour :
- les conditions d’une démocratie de proximité
- la participation de tous les habitants à la citoyenneté et aux décisions de la ville
- L’engagement collectif à construire de nouveaux Droits et à veiller collectivement à leur application

C’est le concept de Démocratie Participative.
A Aubagne, nous posons le principe qu’il s’agit du mode de gestion de la ville et nous travaillons à le rendre partout et tout le temps possible.
La Démocratie Participative permet à tous ceux qui font Aubagne, ceux qui y vivent, y travaillent, y militent, y étudient de prendre part aux décisions et d’y être associé le plus en amont possible et jusque dans leur mise en œuvre.

C’est une série de dispositifs qui ont été mis en place depuis 1998, renforcés en 2003 et en 2006, pour permettre à tous de trouver une place dans la construction de la décision. Ces espaces de Démocratie participative sont en permanence ouverts à de nouveaux citoyens, ils fonctionnent sur un principe inclusif. Chaque habitant peut à tout moment rejoindre ou quitter ce dispositif.

Ces instances de Démocratie participative permettent à chacun de contribuer au débat en restant ce qu’il est, les citoyens agissent souvent comme « des experts du quotidien » ; le service public communal (qui connaît en son sein sa propre démarche participative qui vise à transformer ses pratiques et sa place au sein du processus de Démocratie participative) est le garant de la faisabilité technique et réglementaire de la décision ; les élus portent le projet municipal et nourrissent le débat public leur valeurs politiques et philosophiques.
In fine, c’est bien l’instance représentative suprême à l’échelle communale, le Conseil Municipal en France, qui vote et se prononce éclairé par les propositions issues de ces processus.

Pour autant, Les objectifs même de la Démocratie participative sont co-construits avec les participants : exemple le Forum d’Aubagne, Citoyen, Social et Solidaire. Une programmation de débats, de rencontres, de fêtes étalées sur 11 semaines et co-définies avec les associations, les syndicats, les habitants engagés dans la démocratie participative, le service public communal et les élus. Sur des thèmes relevant des compétences municipales mais aussi sur des enjeux de société plus globaux.
Le déroulement même des initiatives a été co-défini avec l’ensemble des partenaires jusque dans l’organisation des débats ou le choix des invités…

Ces espaces de Démocratie participative contribuent à mettre en débat l’ensemble des sujets qui traversent une ville. Du coin de la rue à la planète.
Ils s’appuient sur un Budget participatif portant sur l’ensemble du Budget de la commune (75 millions d’Euros en 2006) pour voir leurs propositions devenir réalité.

B) Des politiques municipales transformées
Ces pratiques de Démocratie participative qui mêlent mouvements sociaux et élus contribuent à façonner les politiques municipales. Elles produisent de la prise de conscience politique et contribuent à créer des politiques porteuses d’alternatives à l’idéologie dominante. Je vais prendre quatre exemples.

1) les politiques agricoles
Aubagne compte 815 hectares de surface agricole et dénombre 112 exploitations professionnelles.
La proximité de la métropole marseillaise, confère à ce territoire sa spécificité d’agriculture périurbaine, spécificité qui a conduit les élus à construire dés 1991 une politique de maintien et de développement de cette agriculture de ceinture verte face à la pression urbanistique.
Cette politique continuait à promouvoir de « l’agriculture classique » répondant d’abord aux normes du marché.

En 2001, une initiative citoyenne a vu naître à Aubagne la première AMAP implantée en France. Elles sont aujourd’hui au nombre de trois à Aubagne et plus de en France.
En février 2004, la ville a accueilli le premier Colloque international sur les contrats locaux entre producteurs et consommateurs qui allait devenir le réseau mondial URGENCI.

Ces apports, cette mobilisation citoyenne locale, ont refaçonné la politique agricole de la ville.
Plus que jamais la préservation des espaces agricoles est affirmée (maintien des zones agricoles dans le Plan d’Occupation des Sols, moyens techniques et d’expertises à disposition des producteurs locaux…) mais nous avons engagé une réflexion sur : « Quelles nouvelles pratiques agricoles ? »
La question des circuits courts, de la souveraineté alimentaire des territoires, de la biodiversité, de l’accès de tous aux produits locaux… sont devenus des éléments centraux de cette nouvelle politique agricole.
Ex : le vallon des Gavots (retour en zone agricole, installation d’une AMAP, réflexion pour que les habitants des quartiers populaires à proximité en bénéficient)
Accueil en lien avec la région PACA du siège mondial d’URGENCI.

2) Les services publics
Les services publics constituent un formidable outil pour l’égal accès de tous aux services. L’actuel débat sur leur définition, sur ce qu’ils recouvrent, dissimule « mal » une volonté politique de les remettre en cause et de livrer aux entreprises privées de nouveaux centres de profits.
Depuis 2003, dans le cadre de la Démocratie participative, élus, citoyens, salariés des services publics mènent un combat de longue haleine autour de l’idée de leur défense et de la promotion de nouveaux services publics.
Participation aux combats contre l’AGCS, mobilisation locale, débats publics autour de l’intérêt de la propriété publique des services publics
Ce travail nous amène à nous interroger sur le retour en gestion directe de l’eau, à construire de nouveaux droits opposables sur la question du logement…

3) La question du genre
Si certains pensent que la Loi règle tout, il est un domaine qui fait la preuve du contraire c’est celui de la question de la parité homme/femme. L’arsenal juridique est impressionnant. Pour autant les inégalités persistent et même se renforcent.
Des inégalités dans la sphère publique : au travail où elles sont souvent les premières victimes de la mondialisation libérale, à l’école, dans l’accès aux responsabilités…
Des inégalités dans la sphère privée : violences faites aux femmes, le partage des tâches ménagères, la place de la religion dans une société laïque, les différences d’éducation entre les garçons et les filles…
Depuis 2005, un espace de travail dédié à ces questions à été ouvert, il rassemble de nombreuses Aubagnaises très diverses dont de nombreuses femmes immigrées ou de jeunes femmes issues de l’immigration.
Elles se sont attelées à recueillir la parole des femmes d’Aubagne pour construire des propositions qui promeuvent la place et la parole des femmes dans la ville.

4) Le mouvement local/global
Les villes ne sont pas des îles. Elles sont intimement liées aux mouvements du monde, dans ce qu’ils ont de meilleur ou de pire.
Cette réflexion amène de nombreuses villes à s’engager dans des réseaux internationaux où s’échangent des expériences, où se construit de l’alternative à la mondialisation libérale. Si les réalités des villes sur la planète sont extrêmement diverses, les questions de l’inclusion sociale, de la construction de la participation citoyenne sont des enjeux universels.
Aubagne depuis 2003, est particulièrement engagée au sein de réseaux internationaux de collectivités locales. Ce que certains nomment « le mouvement municipaliste ».
- C’est la participation au Forum des Autorités Locales qui est le pendant pour les élus des Forums Sociaux (préparation séminaire Nairobi).
- C’est La participation au sein de Cités et Gouvernements Locaux Unis (CGLU) qui représente et défend les intérêts des gouvernements locaux sur la scène mondiale. Aubagne contribue notamment à la commission qui travaille sur les questions d’Inclusion Sociale et de Démocratie Participative.
Ces réseaux travaillent en lien étroit avec les mouvements sociaux de la planète.
Une phrase résume bien le sens de cet engagement : « Un autre monde est possible, il commence dans nos villes ».
Ces réseaux, ces événements internationaux nourrissent notre réflexion. Et, modestement, nous pensons que nos expériences peuvent contribuer à modifier les réalités d’autres villes.

D’autres exemples, le travail autour du développement durable, l’établissement d’un agenda 21 de la culture, les politiques autour de l’inclusion dans la ville des malades d’Alzheimer, le soutien aux entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire….

En guise de conclusion :
La responsabilité des autorités locales est directement engagée sur la question de l’Inclusion sociale. Il faut évidemment promouvoir de nouvelles formes de production, de consommation qui ne laissent personnes à l’écart et qui garantissent un développement soutenable. C’est un volet indispensable pour panser les plaies que créée la mondialisation libérale.
Mais ces politiques d’inclusion sociale, la mobilisation des énergies citoyennes, le développement de politiques alternatives portent en elles, un formidable potentiel pour transformer le monde.