Politique de la santé

Les aspects psycho-sociaux des familles monoparentales

Introduction 

L'augmentation du nombre des familles monoparentales depuis 20 ans a �t� telle qu'aujourd'hui, au milieu des ann�es 1990, pr�s d'un enfant sur trois en Europe passe une partie de son enfance - avant l'�ge de seize ans - avec un seul de ses parents.

Selon une enqu�te de l'OCDE, dans la plupart des pays, l'�norme majorit� (80% et m�me davantage) des parents isol�s sont des femmes. Les indicateurs d�mographiques semblent indiquer que cette tendance va se poursuivre, essentiellement en raison de l'effet combin� de l'augmentation du nombre des divorces et des s�parations et de la baisse du nombre des remariages. De m�me, la proportion des naissances hors mariage, souvent de m�res qui n'ont jamais �t� mari�es, augmente, mais varie quelque peu suivant les pays europ�ens.

La sant� des membres des familles monoparentales peut �tre fragilis�e par divers facteurs dominants dans ce type de structure familiale:

la situation financi�re des familles monoparentales est tr�s souvent pr�caire;

l'accumulation des r�les sociaux par des parents uniques cr�e une tension physique et psychologique qui peut aussi se r�percuter sur les enfants;
la vie sociale et affective des membres des familles monoparentales est d�s�quilibr�e par la douleur de la s�paration, du divorce ou du veuvage.

En outre, le r�seau communautaire de soutien des parents uniques se restreint souvent apr�s la rupture du couple. le stress engendr� par tous ces facteurs peut provoquer divers sympt�mes psychosomatiques (fatigue, insomnie, d�pression, troubles du comportement), qui entra�nent de fr�quentes visites chez le m�decin ou les services sociaux et l'utilisation r�guli�re de m�dicaments. Des �tudes ont montr� que le fait d'�tre une m�re seule avec un enfant � charge est souvent associ� � une plus grande morbidit� et � une utilisation plus fr�quente des services m�dicaux par rapport aux m�res qui vivent en couple.

En outre, la mauvaise sant� d'un parent exerce une influence sur la sant� de l'enfant. De m�me, la mauvaise sant� d'un enfant va avoir un effet sur la sant� du parent.

Les familles monoparentales repr�sentent un d�fi pour la politique sociale et plus pr�cis�ment pour les politiques sanitaires. La mise au point des politiques sanitaires destin�es � aider la famille monoparentale � remplir correctement sa mission exige souplesse et intelligence.

La politique familiale en Europe (prestations, cong�s, d�gr�vements fiscaux, etc.) � l'�gard des familles monoparentales semble en faire un groupe sp�cial ayant et faisant na�tre des probl�mes particuliers en raison de la situation des familles qui le composent. Les r�sultats scientifiques et les exp�riences d'action sociale montrent que les probl�mes de sant� des familles monoparentales sont de plus en plus li�s aux droits de la femme, � la pauvret� et au ch�mage de longue dur�e.

La sant� des familles monoparentales d�pendra par cons�quent moins, � l'avenir, de la politique familiale, et plus d'une part d'une politique plus g�n�rale de promotion de l'emploi et de lutte contre la pauvret�, et d'autre part de l'acc�s aux services sanitaires et sociaux n�cessaires pour r�pondre aux besoins sp�cifiques de ces familles.

Tendances r�centes des caract�ristiques d�mographiques et socio-�conomiques des familles monoparentales 

Longtemps consid�r�e comme l'unit� de base de l'organisation sociale et �conomique, la famille a connu ces 20 � 30 derni�res ann�es des changements importants et rapides. Si la famille nucl�aire traditionnelle reste le type de famille le plus fr�quent, elle repr�sente aujourd'hui une bien moindre proportion de l'ensemble des familles. Les unions consensuelles, moins traditionnelles mais structur�es de la m�me fa�on, sont devenues un type de famille plus visible et mieux accept�, et le nombre de familles � un seul parent c�libataire et des familles � un seul parent veuf, divorc� ou s�par� a rapidement augment�.

Il existe plusieurs fa�ons de se retrouver parent seul: le mariage et la naissance d'un enfant suivie d'un veuvage, la s�paration, le divorce ou la naissance d'un enfant hors des liens du mariage. De multiples �v�nements peuvent conduire � ne plus �tre parent seul ou � le redevenir: la r�conciliation, le mariage ou le remariage, un nouveau ou un premier veuvage, la s�paration et le divorce; et enfin, l'arriv�e des enfants � l'�ge adulte. Il en r�sulte que la d�finition de la famille monoparentale est souvent peu claire, car elle d�pend: de l'�ge limite que les enfants ne doivent pas avoir d�pass� pour que la famille soit compt�e comme famille monoparentale; du type de m�nage form� et de la prise en compte ou de l'exclusion des concubins non mari�s.

L'augmentation tr�s rapide du nombre des familles monoparentales a commenc� dans les ann�es 60 en Am�rique du Nord, et l�g�rement plus tard ailleurs. Depuis le d�but des ann�es 1970, dans certains pays tels que la France et la Suisse, le nombre de ces familles ne s'est accru que tr�s modestement - de 20% ou moins. Mais � l'autre extr�me (en Grande-Bretagne par exemple), l'augmentation a �t� sup�rieure � 50%, la majorit� des pays se situant entre 30 et 50%. Le moteur de cette croissance - les s�parations et les divorces - a �t� renforc� par la baisse des taux de mariage et de remariage. L'augmentation du nombre des naissances hors des liens du mariage, bien qu'elle ne soit absolument pas la m�me dans tous les pays, est un facteur contributif important. Les veuves forment le groupe le plus important des m�res seules en Irlande et en Espagne mais dans la plupart des autres pays elles viennent au second rang apr�s les divorc�es.

Ces chiffres sous-�valuent cependant l'importance du groupe des parents seuls, car en fait il y a un bien plus grand nombre d'adultes et d'enfants vivant � plusieurs reprises, tout au long de leur vie, dans une famille monoparentale, que ce que l'on peut compter en un seul recensement ponctuel. Le ph�nom�ne des parents seuls touche donc bien plus de gens que ce que peut r�v�ler un simple instantan�.

Lorsque l'on compare les familles monoparentales aux familles biparentales, l'on s'aper�oit que les premi�res ont en moyenne moins d'enfants et que leurs enfants ont tendance � �tre plus �g�s. L'image populaire de la famille monoparentale est souvent celle d'une jeune m�re avec un b�b�. Or cette image ne correspond pas � la r�alit�. Certes, dans tous les pays, la tr�s grande majorit� des parents seuls sont effectivement des m�res - 80% et plus -, mais ce sont les m�res divorc�es et s�par�es, suivies des veuves, qui dans la plupart des pays repr�sentent la plus forte proportion des m�res seules. Elles sont donc en moyenne plus �g�es que les m�res mari�es et par cons�quent leur enfant le plus jeune est donc plus �g� que celui des m�res mari�es.

La plupart des �tudes consacr�es aux m�res divorc�es et s�par�es montrent que celles qui se marient jeunes courent davantage le risque d'une rupture conjugale que celles qui se marient plus tard. Elles montrent aussi que les femmes qui sont plus �g�es lorsque leur couple se dissout ont moins de chances de se remarier et qu'elles vivent donc plus longtemps en tant que parent isol�. Il est possible aussi que la crainte de se retrouver en situation de parent seul, et la perspective des difficult�s financi�res et sociales qui vont de pair avec cette situation, emp�chent la dissolution de couples qui ne s'entendent plus.

Nous pouvons donc poser pour hypoth�se que les m�res divorc�es et s�par�es sont en partie celles qui peuvent se le permettre. Ce sont �galement les m�res les plus ais�es qui ont le plus de chances de trouver des partenaires, ce qui signifie que m�me au sein de ce groupe il existe une ligne de s�paration tr�s nette entre celles qui cumulent les inconv�nients et les autres.

Les probl�mes des familles monoparentales sont semblables � ceux de chacun des grands groupes auxquels ces familles appartiennent - les familles, les personnes dont le revenu est insuffisant, les femmes, les enfants, les salari�s et les ch�meurs - et d'une mani�re plus g�n�rale � ceux de tous les groupes d�favoris�s et victimes de perturbations dans leur cycle de vie. C'est l'accumulation des difficult�s �conomiques qui fait qu'il y a de fortes chances pour qu'une famille monoparentale soit aussi une famille pauvre. Les taux de pauvret� sont souvent plus �lev�s chez les familles monoparentales que dans l'ensemble de la population ou dans les sous-groupes dont les parents isol�s sont originaires.

L'expression "famille monoparentale" implique une homog�n�it� au sein du groupe et des disparit�s entre ce groupe et les autres, alors qu'en fait ces caract�ristiques sont souvent absentes. La pr�sence des enfants est repr�sentative � la fois de ce qui unit et de ce qui s�pare le groupe; ce sont les enfants qui figurent parmi les pr�occupations majeures associ�es au ph�nom�ne de la famille monoparentale. En somme, les probl�mes en jeu vont bien au-del� de la d�signation d'un type familial. Une modification du statut familial peut cependant �tre le catalyseur qui r�v�le une vuln�rabilit� �conomique latente; c'est dans cette vuln�rabilit� que r�side le probl�me.

Bien que dans le d�tail, les situations soient diff�rentes d'un pays � un autre, il est possible de se livrer � quelques consid�rations d'ordre g�n�ral valables pour l'ensemble des pays:

� les familles monoparentales dont le chef est une femme courent le risque d'�tre �conomiquement d�favoris�es - pour certaines, par rapport � leur situation ant�rieure, pour d'autres, en valeur absolue.

� bien qu'important, le fait de percevoir un revenu ne constitue pas forc�ment une garantie contre la pr�carit�. Cela n'est en r�alit� gu�re surprenant, car il est bien connu que les femmes sont nombreuses dans les emplois faiblement r�mun�r�s et que dans la plupart des pays ce sont elles qui occupent la majorit� des emplois � temps partiel.

� une distinction majeure � faire - et sans doute la plus importante - entre les m�res seules est celle qui a trait � la capacit� de gain; cette capacit� est bien entendu li�e au niveau d'instruction, de formation et de comp�tence, ainsi qu'� l'exp�rience professionnelle ant�rieure. Ces facteurs ne sont pas seulement des indicateurs du potentiel de gain: ils sont �galement d�terminants d'autres possibilit�s d'�panouissement dans la vie, telles que le mariage ou le remariage. Le r�le du mariage et du remariage est d'une importance capitale parce qu'il s'agit de la fa�on la plus courante de sortir des difficult�s �conomiques que connaissent les parents isol�s. Il y a donc l� une sorte de cercle vicieux, puisque la situation �conomique de la personne concern�e est influenc�e par l'am�lioration de sa situation familiale et vice-versa.

On voit donc que les probl�mes des familles monoparentales sont d�s � des causes tr�s diverses: le manque de soutien de la part du parent absent, l'insuffisance des revenus ou l'incapacit� de travailler en raison de caract�ristiques personnelles, de la nature du march� de l'emploi ou des responsabilit�s familiales et autres facteurs limitant la capacit� de travailler ou de reprendre un emploi, ou bien encore une combinaison de certains de ces facteurs.

Les politiques et les r�gimes de soutien du revenu, que ce soit par omission ou � dessein, ne sont parfois pas suffisants pour aider les familles monoparentales. Les soci�t�s sont peu enclines � accepter que la m�re seule puisse rester au foyer; cela est en partie d� aux attitudes � l'�gard des familles monoparentales et en partie au fait que dans les pays industrialis�s modernes, une femme qui a des enfants et qui ne travaille pas est aujourd'hui l'exception plut�t que la r�gle. Si bien qu'en g�n�ral, bien que de nombreux pays apportent une aide sociale aux m�res seules - assurance sociale, allocations familiales, aide � l'enfance, aide au logement, all�gements fiscaux, etc. - les politiques habituellement adopt�es ont fortement tendance � encourager les m�res seules � travailler et � ne pas compter sur une quelconque aide financi�re.

L'exercice d'une activit� professionnelle r�mun�r�e et les obstacles au revenu

Le fait de percevoir un revenu est un gage d'auto-suffisance pour la plupart des m�nages en bonne sant� et encore suffisamment jeunes, mais cette relation devient moins �vidente lorsqu'il s'agit de foyers constitu�s par des femmes avec enfants. Bien que dans la plupart des pays le nombre des m�res seules exer�ant une activit� professionnelle r�mun�r�e soit relativement �lev�, il existe des obstacles qui emp�chent ces m�res de reprendre un emploi. Plusieurs de ces obstacles tiennent � des probl�mes que connaissent les femmes en g�n�ral: leurs revenus moyens sont inf�rieurs � ceux des hommes, leurs possibilit�s d'emploi sont concentr�es dans des types d'activit� assez limit�s, et dans la plupart des pays le taux de ch�mage des femmes a tendance � d�passer celui des hommes.

L'augmentation du taux d'activit� des femmes montre qu'il y avait de leur part un v�ritable besoin de travailler, ce besoin �tant sans doute encore accentu� dans le cas des m�res seules. Or les politiques d'aide � l'enfance ne sont habituellement con�ues ni pour un groupe particulier d'usagers ni uniquement pour que les b�n�ficiaires puissent concilier l'exercice d'une activit� r�mun�r�e et leurs obligations familiales. Par exemple, le fournisseur le plus important de services d'aide � l'enfance est dans pratiquement tous les pays le syst�me scolaire obligatoire, dont la fonction secondaire est une fonction de garde des enfants. La plupart du temps, les services de garde d'enfants accueillent les enfants en bas �ge (ceux qui n'ont pas encore atteint l'�ge scolaire), mais cela ne permet pas toujours de satisfaire tous les besoins des m�res qui exercent une activit� professionnelle r�mun�r�e, surtout lorsque le nombre limit� de leurs heures de travail n'est pas en rapport avec leurs besoins financiers. Les pays qui, pour aider les m�res qui travaillent, ont adopt� des strat�gies globales en mati�re de garde des enfants sont encore peu nombreux.

L'intervention des pouvoirs publics ne rev�t pas les m�mes formes dans tous les pays. Elle va de la fourniture directe de services de garde � prix r�duits, � l'octroi de subventions aux fournisseurs ou aux parents eux-m�mes, soit directement sous forme d'allocations soit indirectement par l'interm�diaire du syst�me fiscal.

Une m�re seule qui reste � son domicile avec ses enfants est souvent consid�r�e comme avantag�e, surtout lorsqu'elle a choisi de vivre ainsi et qu'elle n'y a pas �t� contrainte par l'absence de services de garde, le manque de possibilit�s d'emploi ou d'autres contraintes relatives � l'emploi. Apparemment, les avantages l'emportent alors sur l'inconv�nient de devoir abandonner un revenu. Mais la d�cision de ne pas travailler peut avoir un prix beaucoup plus �lev� qu'il n'y para�t. L'exp�rience professionnelle et l'acquisition, sur le tas, des qualifications n�cessaires sont perdues, les comp�tences existantes se d�gradent et deviennent obsol�tes. Il en r�sulte alors non seulement une perte de revenu mais aussi une perte de la capacit� de gain. Pour conclure, l'exp�rience et les statistiques prouvent � la fois l'int�r�t et l'importance qu'il y a � exercer une activit� r�mun�r�e, et la difficult� d'y parvenir, en raison d'une part des conflits entre les r�les et obligations de la m�re par rapport � ses enfants, et d'autre part de l'insuffisance relative des revenus qu'elle est susceptible de tirer des emplois disponibles.

En d�pit de ces difficult�s, beaucoup de m�res seules travaillent. Celles qui restent dans leur foyer pendant un certain temps ont en g�n�ral des chances de retravailler plus tard. Dans la plupart des pays industrialis�s, les chances qu'une femme ne retravaille jamais sont relativement faibles et sont en diminution. Une femme qui est le seul adulte de la famille et qui ne se remarie pas aura presque � coup s�r besoin de travailler � un moment ou � un autre. Pour celles qui se retrouvent seul adulte de la famille avec les qualifications et l'exp�rience qui leur permettent d'�tre bien plac�es sur le march� de l'emploi, le probl�me qui se pose est celui de la conservation et de l'am�lioration continue de leur capacit� concurrentielle. La mise � la disposition de ces femmes, de services de garde d'enfants � leur port�e et correspondant � leurs besoins est sans doute la premi�re des mesures que devrait comporter une politique de soutien.

Mais il ne faut pas oublier toutes les femmes qui se retrouvent seul adulte de la famille alors qu'elles sont d�j� d�savantag�es au d�part parce qu'elles n'ont que peu d'instruction, voire pas du tout, peu de comp�tences et peu d'exp�rience professionnelle, sinon aucune. Pour ce groupe, le fait de se retrouver parent isol� ne fait qu'exacerber des probl�mes d�j� existants, mais en soi, il n'en cr�e pas. De tous les types de parents seuls, ce sont les personnes qui appartiennent � ce groupe qui resteront d�favoris�es le plus longtemps, celles qui auront le moins de chances de parvenir � l'auto-suffisance par leur propre travail et celles qui auront le moins de chances de se marier ou de se remarier. Chez elles, le travail consid�r� comme moyen d'assumer leurs responsabilit�s - que ce soit leurs obligations vis-�-vis de leurs enfants, leurs obligations financi�res ou autres, prend une toute autre dimension. Il est certes n�cessaire qu'elles aient acc�s � des services de garde d'enfants, mais cela n'est pas suffisant lorsqu'elles ne disposent pas des qualifications professionnelles et de l'exp�rience appropri�es. Il faut donc investir pour am�liorer leur "capital humain", et disposer pour ce faire du temps et de l'argent n�cessaires.

Le lien entre les revenus r�els et les revenus n�cessaires est encore plus faible lorsque la responsabilit� financi�re s'�tend aux enfants. Il faut alors davantage de revenus que pour un adulte seul, alors m�me que la pr�sence d'enfants � charge risque de limiter le temps de travail et le choix des horaires de travail. Le co�t de la garde des enfants, entre autres, peut �tre tel qu'il ne laisse au parent seul qu'un revenu insuffisant pour les besoins de la famille. En d�pit de ces obstacles, le taux d'activit� des m�res seules est dans la plupart des pays proche de celui des m�res mari�es. Et dans presque tous les pays, les m�res seules ont davantage tendance � travailler � plein temps que les m�res mari�es, et moins de travailler � temps partiel.

Etant donn� que dans la plupart des pays le taux d'activit� des m�res seules et celui des m�res mari�es sont � peu pr�s les m�mes, on peut en conclure que la principale explication des diff�rences entre pays en ce qui concerne le taux d'activit� des m�res seules rel�ve de facteurs qui affectent les m�res en g�n�ral, tels que la structure du march� de l'emploi, la disponibilit� relative des emplois � plein temps et des emplois � temps partiel, l'�ducation et la formation des femmes, les services de garde d'enfants officiels ou non institutionnalis�s, et le cong� parental.

Les parents seuls ont davantage de chances de travailler s'ils sont d�j� salari�s lorsqu'ils se retrouvent � la t�te d'une famille monoparentale, ce qui fait que les mesures visant � encourager l'exercice d'une activit� professionnelle r�mun�r�e par les femmes en g�n�ral et par les m�res en particulier conduit � un rel�vement du taux d'activit� des m�res seules. De telles mesures comprennent l'am�lioration de l'�ducation et de la formation professionnelle des femmes, l'octroi de facilit�s telles que le cong� de maternit� et le cong� parental, et la cr�ation de services de garde d'enfants pour encourager les m�res � continuer � travailler. Si ces mesures impliquent bien entendu un certain co�t pour les gouvernements, elles permettent en revanche de r�aliser des �conomies en mati�re d'assistance publique.

Il existe plusieurs facteurs pouvant affecter le montant des revenus, et ces facteurs exercent une influence s�lective sur les familles monoparentales. Il s'agit notamment des diff�rentes formes de r�mun�ration compl�mentaire, d'imposition et d'autres paiements li�s au travail. La forme et la structure de ces paiements ou prestations peut avoir des effets diff�rents selon la cat�gorie de ressources ou de revenus des int�ress�es, et elle peut m�me d�pendre de la structure et du volume de travail effectu�. Bien que la plupart de ces dispositions soient appliqu�es � un niveau g�n�ral, elles ont en soi beaucoup de chances de peser sur la d�cision de travailler (incitation � reprendre un emploi) et les gains des salari�s � faibles revenus, groupe au sein duquel les femmes sont sur-repr�sent�es.

La r�mun�ration compl�mentaire peut prendre les formes les plus diverses: cong� de maladie, vacances, cong� de paternit� ou de maternit�, prestations de maladie, droits aux prestations d'un r�gime de retraite professionnel, subventionnement de repas ou d'activit�s de loisirs, etc. C�t� co�ts, on trouve les d�penses li�es au travail telles que l'imp�t direct sur les ressources et le revenu, et les prestations en esp�ces ou en nature qui ne sont plus vers�es d�s lors que l'int�ress�e travaille.

L'acc�s � des services de garde d'enfants est en g�n�ral un facteur cl� qui intervient dans la d�cision de la m�re seule de chercher un premier emploi ou de retravailler. L'existence et le co�t de ces services sont d'un int�r�t �vident pour les toutes familles avec enfants, mais ils sont essentiels pour les m�res qui travaillent et dont les enfants ne sont pas assez �g�s pour �tre livr�s � eux-m�mes. Pour les m�res seules qui n'ont pas la possibilit� de partager leurs lourdes responsabilit�s financi�res et parentales, l'acc�s � des services de garde d'enfants �conomiquement � leur port�e est imp�ratif si l'on veut qu'elles puissent remplir leurs obligations.

Politique des pouvoirs publics et aide priv�e

Auparavant, lorsque les ruptures de couples �taient moins fr�quentes et les naissances hors mariage moins habituelles - et moins couramment admises - le groupe pr�dominant des parents seuls �tait compos� de ceux dont le conjoint �tait d�c�d�, en g�n�ral pr�matur�ment. La r�action de la soci�t� �tait un �lan de sympathie et la volont� d'aider. La veuve n'�tait la plupart du temps plus jeune, il y avait moins de chances qu'elle ait d�j� travaill� qu'il n'y en a de nos jours, et si elle avait travaill�, elle avait probablement quitt� son emploi apr�s son mariage ou la naissance de son premier enfant. Elle n'�tait pas cens�e retravailler; son premier devoir �tait de s'occuper de ses enfants. Il en allait de m�me apr�s le d�c�s pr�matur� de son conjoint. Le veuf, quant � lui, �tait cens� continuer � gagner le pain de la famille et si possible se remarier pour pouvoir remplir ses autres obligations domestiques et familiales.

Bien que cette description ne corresponde pas pleinement � la r�alit� dans tous les pays, elle est cependant significative du st�r�otype sur lequel �taient (et sont encore) bas�s de nombreux r�gimes publics. La veuve et les enfants sont habituellement couverts par les r�gimes d'assurance sociale, les obligations du conjoint d�c�d� �tant remplies, du moins en partie, m�me apr�s le d�c�s, par le r�gime public de transfert de revenu. Le fait que la veuve choisisse ou non de compl�ter ce revenu par l'exercice d'une activit� professionnelle r�mun�r�e n'est pas pris en compte par les pouvoirs publics.

Il est fr�quent que les personnes qui se retrouvent parent seul autrement qu'� la suite du d�c�s de leur conjoint ne soient pas consid�r�es de la m�me fa�on que le sont les veuves. Qu'il s'agisse l� d'une d�sapprobation qui n'ose pas dire son nom ou du sentiment que la situation de l'int�ress�e est en partie due � son propre choix et, partant, n�cessite moins l'intervention des pouvoirs publics, ou qu'il s'agisse de pr�occupations r�elles quant au co�t potentiel de l'aide publique, ou bien encore d'autres facteurs, toujours est-il que le r�sultat est une sorte d'attitude ambivalente quant au comportement que l'on attend des m�res seules: doivent-elles rester au foyer et s'occuper de leurs enfants, ou doivent-elles travailler?

Il est �vident que les temps ont chang�, et que la situation �conomique et les causes de l'existence des familles monoparentales ne sont plus les m�mes. Les femmes exercent plus souvent une activit� professionnelle r�mun�r�e, m�me lorsque leurs enfants sont jeunes. De m�me que les parents isol�s peuvent se retrouver dans une situation contradictoire lorsqu'ils doivent faire face � une double responsabilit�, les r�gimes publics de maintien du revenu sont eux aussi confront�s � des contradictions. D'une part, il peut �tre souhaitable de faire en sorte que les parents seuls acqui�rent davantage d'autonomie sur le plan �conomique; mais d'autre part, le maintien du revenu par les pouvoirs publics, s'il permet � la famille de continuer � vivre normalement, est contre-productif au niveau de l'incitation � travailler. La "g�n�rosit�" peut finalement �tre incompatible non seulement avec les mesures d'incitation au travail, mais aussi avec un autre objectif des pouvoirs publics: minimiser les d�penses.

La m�re seule doit souvent additionner plusieurs revenus provenant de sources diff�rentes, dont l'importance relative variera au fil du temps et qui ont entre eux des liens complexes. Il peut s'agir notamment d'un revenu provenant des autres foyers dont l'int�ress�e �tait auparavant membre. Ce revenu peut �tre vers� par ses parents ou par un ancien partenaire ou concubin, soit sous la forme d'un capital soit sous celle d'un versement p�riodique � son nom ou � celui de ses enfants. La m�re seule pourra y ajouter le montant de son propre revenu professionnel, qui d�pendra lui aussi de ses responsabilit�s actuelles vis-�-vis de ses enfants, de ses qualifications et de son exp�rience, et du temps qu'elle aura consacr� aux autres membres de la famille, jeunes et vieux, sans pouvoir travailler en m�me temps.

Elle pourra enfin recevoir des paiements de l'Etat, en sa qualit� de parent, ces sommes �tant habituellement vers�es sous conditions de ressources par les r�gimes g�n�raux de s�curit� sociale ou d'aide sociale plut�t que par les r�gimes d'assurance li�s � un emploi r�gulier, qui sont plus g�n�reux. L'�quilibre entre les diff�rentes sources de revenu se d�t�riore au fil du temps en fonction de l'�ge, de l'�tat de sant�, du statut conjugal, de l'�ge du plus jeune des enfants et de la raison pour laquelle l'int�ress�e s'est retrouv�e seule adulte de la famille. L'�quilibre entre les prestations publiques et les prestations priv�es d�pendra directement de la situation familiale.

Aujourd'hui, la majorit� des familles monoparentales dont la situation est due � un divorce ne d�pendent plus de fa�on significative de pensions alimentaires priv�es (ou bien alors, lorsque c'est le cas, la somme est peu importante). L'essentiel de leur revenu est constitu� par les prestations de l'Etat et par la r�mun�ration que l'adulte chef de famille tire de son activit� professionnelle. La relation entre ces deux sources de revenu rev�t une grande importance. En Su�de, par exemple, l'aide de l'Etat est cibl�e sur ce groupe et elle n'est pas diminu�e lorsque la m�re travaille. Au Royaume-Uni, le revenu professionnel de la m�re est directement d�duit de l'aide publique. Les obligations financi�res des parents envers les enfants continuent m�me lorsque le mariage est dissous ou lorsqu'il n'y a pas eu de mariage. Bien que ce syst�me soit tr�s largement accept� par l'opinion publique, il est fr�quent que le parent qui n'a pas la garde des enfants ne verse pas l'aide due. La pierre angulaire de la politique suivie en la mati�re par les pouvoirs publics de nombreux pays consiste par cons�quent � adopter des mesures contraignantes afin que les obligations financi�res dans ce domaine soient respect�es.

Bien qu'id�ologiquement important, le r�le que joue la l�gislation familiale dans l'aide aux familles monoparentales est modeste. Le non respect des obligations est un probl�me universel. Il se peut tr�s bien qu'il soit d� au manque de ressources et au fait que les int�ress�s aient � pr�sent une nouvelle s�rie de personnes � charge. Mais m�me en supposant que les obligations existant en la mati�re soient toutes pleinement respect�es, le montant moyen des pensions alimentaires n'est de toute fa�on pas suffisant pour payer les co�ts directs ou indirects de l'�ducation d'un enfant alors que la m�re a d� abandonner son revenu professionnel. L� encore, ce sont les familles pauvres qui sont les plus d�favoris�es car le parent qui n'a pas la garde de l'enfant est incapable de contribuer de fa�on significative aux d�penses du foyer. Le taux des divorces a augment� si rapidement que ni l'opinion publique ni le l�gislateur ne sont encore parvenus � un consensus quant � ce que la loi peut faire pour la famille monoparentale. L'opinion publique ne s'est clairement exprim�e sur aucune des questions suivantes:

1. quelles obligations financi�res peuvent �tre consid�r�es comme acceptables pour et par les membres de la m�me famille qui ne vivent plus dans le m�me foyer?

2. la m�re qui a la garde de l'enfant et qui souhaite obtenir une pension alimentaire maximum de son ex-�poux est-elle une bonne m�re ou cherche-t-elle en fait � mettre "son mari sur la paille"?

3. le divorce est-il un �v�nement dans la vie de deux adultes ou un processus dont les cons�quences d'une g�n�ration � l'autre sont permanentes pour toutes les personnes concern�es?

Les solutions juridiques sont fond�es sur l'approche du divorce adopt�e par le l�gislateur et elles sont davantage con�ues pour r�gler un diff�rend - par exemple la r�partition des biens du couple - que pour planifier la situation financi�re future d'un groupe de personnes dont les ressources et les besoins vont �voluer avec le temps.

Les statistiques montrent qu'il reste encore beaucoup � faire pour am�liorer la situation dans ce domaine; il est �vident, cependant, que le fait de modifier l'affectation des ressources n'en cr�e pas de nouvelles; les tribunaux ne peuvent octroyer que ce qui existe d�j�. C'est donc essentiellement lorsqu'il y a un revenu r�gulier ou une demande de d�duction sur salaire que l'on peut am�liorer les choses; mais les approches consistant � exiger des pauvres qu'ils aident d'autres pauvres ne m�nent nul part. Si l'on veut vraiment que l'aide publique joue un r�le important (ce qui est le cas dans la majorit� des pays), il faudrait que cette aide aille au-del� du simple contr�le du respect des obligations priv�es et qu'elle consiste � intervenir directement en utilisant les r�gimes publics de transferts sociaux. La forme et le type de ces r�gimes varie d'un pays � l'autre en fonction d'une s�rie de facteurs allant des contraintes budg�taires � des questions plus g�n�rales d'ordre id�ologique. La seule fa�on de faire le point de la situation dans ce domaine consisterait � entreprendre un examen complet, pays par pays, des mesures de politique sociale prises en faveur des parents seuls, ce qui va au-del� de l'objectif que s'est fix� le pr�sent rapport.

L'aide peut prendre la forme de d�gr�vements fiscaux pour les parents seuls lorsque la politique choisie a pour but de les inciter � travailler, de prestations directes en esp�ces vers�es aux parents seuls pendant les p�riodes de transition ou en permanence jusqu'� ce que leur enfant atteigne un certain �ge, ou de subventions telles que les allocations de logement ou le financement de services de garde d'enfants. Les organisations non gouvernementales pourraient elles aussi contribuer activement � l'all�gement de la charge qui p�se sur les parents seuls. Elles pourraient fournir une aide compl�mentaire du m�me type que celle offerte par les organismes gouvernementaux, ou cibler leur action sur les besoins non financiers des familles monoparentales, par exemple dans les domaines de l'aide sociale, de l'�ducation, de la reconversion professionnelle, de la garde des enfants par des r�seaux informels; elles pourraient �galement aider les familles monoparentales � faire face � leurs difficult�s sociales et psychologiques. Dans de nombreux pays, les groupes d'auto-assistance et les associations jouent un r�le de plus en plus important. Cela pr�sente beaucoup d'avantages, car cette action ne permet pas seulement d'aider les familles monoparentales mais aussi d'all�ger quelque peu la pression qui s'exerce sur les d�penses publiques.

Si les probl�mes des familles monoparentales que nous avons examin�s ici sont essentiellement des probl�mes d'ordre financier, cela ne veut pas dire que ce soient les seuls auxquels sont confront�es ces familles. Le divorce, la s�paration et le d�c�s sont souvent des �v�nements qui bouleversent la vie des gens, et qui sont fr�quemment synonymes de difficult�s � long terme. Ils ont un impact sur tous les aspects de la vie, et s'ils ne sont pas trait�s de mani�re satisfaisante, ils ont de graves cons�quences sur le bien-�tre social, physique et mental des personnes concern�es. Lorsqu'il n'existe pas de r�seau informel d'aide sociale, ou lorsqu'il en existe un mais qu'il est bon de le compl�ter, l'apport des organisations non gouvernementales et des administrations publiques peut s'av�rer d�cisif. Dans de nombreux pays, les possibilit�s offertes par les organisations non gouvernementales sont encore loin d'avoir �t� pleinement exploit�es, si bien qu'il serait souhaitable d'appliquer une politique de soutien � ces organisations.

Attitudes et comportements 

Parmi les difficult�s auxquelles sont confront�es les familles monoparentales, nombreuses sont celles qui proviennent des attitudes psychologiques et des comportements de la soci�t�, qu'il conviendrait de modifier si l'on veut aider les familles monoparentales � traverser des p�riodes de crise.

Les familles monoparentales souffrent trop souvent de discrimination et de pr�jug�s (par ex. dans l'acc�s � l'emploi, au logement, aux services de garde d'enfants). Les comportements n�gatifs de la part de ceux-l� m�me dont le r�le est d'aider et de conseiller les parents seuls peuvent entra�ner un rejet de cette aide et de ces conseils.

Le fait que la plupart des familles monoparentales aient pour chef une femme peut conduire � l'aggravation, plut�t qu'� la diminution, des in�galit�s entre hommes et femmes. Certains comportements et certaines attitudes vis-�-vis des r�les respectifs des deux sexes sont en train d'�voluer, et il convient d�s lors de proc�der aux changements correspondants en �tant attentif � ce qu'il faut aujourd'hui prendre en compte et � ce qui n�cessite une approche sensible et intelligente.

Les �tudes psychosociales montrent que les gens se sentent souvent menac�s ou g�n�s par les personnes qui ont travers� une crise, surtout s'ils ont le sentiment qu'il pourrait leur arriver la m�me chose. De plus, les personnes qui font savoir qu'elles se d�brouillent bien face � la crise qu'elles traversent risquent moins d'�tre jug�es n�gativement et d'�tre �vit�es par les autres que celles qui avouent �prouver des difficult�s � faire face � leurs probl�mes. Ces r�sultats laissent � penser que ceux qui ont le plus besoin d'un soutien social sont sans doute ceux qui ont le moins de chances de l'obtenir.

Les travaux de recherche sur l'aide sociale et les strat�gies � appliquer apr�s que l'on ait re�u la garde d'un enfant sont malheureusement assez rares. On ne sait que peu de choses sur la fa�on dont les gens s'organisent et parviennent � traiter simultan�ment plusieurs probl�mes et � mener de front plusieurs activit�s. Il faudrait �tudier comment les membres des familles monoparentales (et les familles en g�n�ral) font face � leurs diff�rents probl�mes.

Parmi les questions auxquelles il serait utile que les services sociaux puissent obtenir une r�ponse figurent les suivantes:

– quelles sont les cons�quences de l'accumulation des charges?

– quelle est la charge maximum que peuvent supporter les parents seuls et leur syst�me de soutien priv�?

– quel est le volume de l'aide n�cessaire dans certaines situations?

– quel est le meilleur moment pour apporter une aide et quelle est la dur�e optimale des mesures prises?

– quelle est l'efficacit� des diff�rentes formes d'aide?

Conclusions g�n�rales 

Les familles monoparentales sont confront�es � de nombreux probl�mes qui, soit isol�ment soit de mani�re combin�e, peuvent �galement se poser aux autres membres de la soci�t� eux aussi �conomiquement vuln�rables. Mais ce qui est pr�occupant, et c'est en cela qu'elles se distinguent des autres, c'est l'augmentation de leur nombre, la concentration croissante, chez ces familles, des foyers � revenus insuffisants, le fait qu'elles cumulent les handicaps et la pr�sence des enfants. Ces familles n'ont pas beaucoup de moyens de sortir de leurs difficult�s �conomiques, ce qui montre bien la n�cessit� d'une intervention des pouvoirs publics. S'agissant de la politique g�n�rale � suivre, il en r�sulte qu'outre un certain nombre de solutions � court terme, il pourrait s'av�rer � la fois rentable et efficace, � long terme, de renforcer les mesures permettant de rendre ces familles moins vuln�rables �conomiquement, et notamment les mesures g�n�rales destin�es � aider les personnes d�favoris�es sur le march� de l'emploi, en particulier les femmes. Le fait d'�tre d�favoris� sur le march� de l'emploi et d'�tre potentiellement d�pendant de l'Etat a un co�t, mais ce co�t n'est pas le seul; la perte de ressources productives que cela repr�sente a �galement un co�t, qui est support� par l'ensemble de la collectivit� et que nous l�guons � nos enfants.

Recommandation N( R (97) 4 sur les moyens d'assurer et de promouvoir la sante de la famille monoparentale