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L’accès des enfants à la justice internationale

Peter Newell
Global Initiative to End All Corporal Punishment for Children
 

Commençons d’abord par dire qu’il est urgent que les enfants puissent faire appel à la justice internationale. Nul n’ignore l’étendue des violations – y compris les plus graves – des droits fondamentaux des enfants. Nous en sommes particulièrement rendu compte dans le cadre de l’établissement des rapports au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant (CRC). Rappelons simplement que des milliers de nourrissons et de jeunes enfants meurent chaque semaine, privés de leur droit à la vie par un accès discriminatoire aux services de santé, privés aussi de leur droit à une eau propre, à une nourriture suffisante, etc... Des millions d’autres enfants sont privés de leur droit à l’éducation ; cinq ou six pays exécutent encore des enfants ; des tribunaux condamnent encore les enfants à être fouettés dans plus de trente pays et ils sont plus de cent à autoriser que des enfants soient molestés à coups de bâton ou de ceinturon dans leurs écoles.

Certaines de ces violations manifestes de la convention et d’autres instruments internationaux ont fait l’objet de recours devant des mécanismes régionaux ou internationaux, et devant les juridictions constitutionnelles au niveau national. Mais les violations persistent.

Or, nous devons nous demander pourquoi les recours à ces mécanismes pour poursuivre ces nombreuses violations sont relativement rares. Ce n’est certes pas faute de recours efficaces et disponibles pour les enfants au niveau national.

Les enfants sont des sujets et titulaires de droits. Nous ne cessons de le leur répéter. Les enfants ont une grande perspicacité pour détecter l’hypocrisie des adultes, qui est de taille sur cette question. Nous exposons ci-après en quoi la promotion du recours à ces mécanismes pour faire avancer les droits des enfants n’est guère prioritaire (de ces indications découlent des recommandations évidentes qui devraient ressortir de cette réunion) :

Il n’existe pas d’analyse complète de la jurisprudence pertinente de ces mécanismes en ce qui concerne les droits des enfants ;

Cette réunion est la première sur l’accès des enfants à la justice internationale. Félicitations au Conseil de l'Europe et au projet « Construire une Europe avec et pour les enfants » mais il faudra donner un prolongement à cette réunion ;

Il n’existe pas encore de procédure de recours attachée à la Convention relative aux droits de l’enfant. Bientôt, tous les autres instruments internationaux auront le leur ; cette lacune relève donc vraiment de la discrimination et nous devrions encourager la rédaction et l’adoption rapides d’un protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant.

Un autre problème important est de convaincre les gouvernements (dont le mien, le Royaume-Uni) que la Convention relative aux droits de l’enfant est un instrument juridique qui impose des obligations légales aux Etats dès lors qu’ils le ratifient, même si elles ne sont pas intégrées dans leur droit interne. La convention n’est pas juste un « conseil » qu’on peut ignorer au gré des Etats. La loi sur les traités insiste sur le fait que « tout traité en vigueur est contraignant pour les Parties », et énonce clairement qu’un Etat « ne saurait invoquer son droit interne pour justifier de ne pas appliquer un traité ». Nous devons tous nous employer à affirmer le statut d’instrument juridique de la convention.

Tous les mécanismes internationaux et régionaux qui nous intéressent, et notamment la Cour européenne et le Comité européen des droits sociaux, utilisent de plus en plus cette convention comme norme lorsqu’ils examinent des affaires relatives aux droits des enfants.

Nous devons aussi nous efforcer, et pas seulement pour les enfants, de mieux faire accepter – ratifier – ces mécanismes par les Etats. Par exemple, seuls douze Etats membres du Conseil de l'Europe ont adopté jusqu’à présent le Protocole additionnel à la Charte sociale permettant des réclamations collectives.

L’absence d’une forte défense stratégique, y compris sur le plan juridique, des droits des enfants montre que les champions actifs de ces droits restent très peu nombreux, même au niveau mondial. Nous devons élargir ce groupe par la formation et la diffusion d’informations, surtout sur la manière d’utiliser ces mécanismes, et encourager les recours en faisant mieux connaître leur impact.

Enfin, comment rendre ces mécanismes réellement accessibles aux enfants et à ceux qui les représentent ? Pour contribuer concrètement au débat, Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l'Europe, et moi-même avons dressé la liste des critères principaux:

Les enfants et ceux qui travaillent avec eux et pour eux doivent savoir que ces mécanismes existent et qu’ils sont accessibles aux enfants.

Les Etats qui ont adopté l’un ou l’autre de ces mécanismes doivent garantir aux enfants un accès illimité à ceux-ci. Par exemple, ils doivent veiller à ce qu’aucun principe juridique n’exige le consentement des parents (c’est aujourd’hui un véritable problème dans plusieurs pays européens et dans d’autres régions où les enfants ne peuvent saisir individuellement les juridictions internes et encore moins les mécanismes internationaux).

Les enfants doivent pouvoir faire recours à tout âge. Lorsque d’autres agissent en leur nom, il faudrait prévoir une procédure garantissant que le recours obéisse au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et, lorsque l’enfant a cette possibilité, avec son consentement. De même, des groupes d’enfants et des organisations d’enfants et d’adolescents devraient pouvoir porter plainte.

Les mécanismes doivent être réellement accessibles aux enfants. Chaque mécanisme doit revoir tous les aspects de ses procédures pour veiller à ce que ce soit le cas. En particulier :

– des informations sur le mécanisme doivent être diffusées dans un langage accessible aux enfants et dans des lieux où se trouvent les enfants et leurs représentants, notamment à l’école (dans le cadre des programmes scolaires réguliers), dans les hôpitaux et autres institutions, y compris celles où les enfants peuvent être détenus ;

– il faut passer au crible tous les obstacles s’opposant au recours du point de vue de l’enfant. Par exemple, il faut appliquer avec circonspection, dans le cas des enfants, la condition usuelle d’épuisement des voies de recours internes par les requérants: les mécanismes devraient veiller à ne pas rejeter les requêtes sauf s’ils sont vraiment sûrs que les voies de recours internes sont efficaces et réellement accessibles aux enfants. De même, les délais des recours doivent être traités avec souplesse dans le cas des enfants requérants qui pourraient ne pas avoir eu accès à l’information sur le mécanisme ;

– il faudrait veiller au traitement rapide des requêtes introduites par ou pour des enfants, en comprenant le sentiment que les enfants ont du temps et de l’urgence pour obtenir réparation en cas de violation de leurs droits quand ils sont encore dans l’enfance. Les décisions doivent être prises aussi rapidement que le permet l’examen exhaustif de l’affaire. Tout processus d’exécution de la décision doit, lui aussi, être rapide ;

– si la procédure comprend une audition, il faut la revoir dans tous ses aspects pour veiller à ce qu’elle prenne en considération la sensibilité de l’enfant (voir les lignes directrices des Nations Unies en matière de justice pour les enfants victimes et témoins d’actes criminels, Résolution du Conseil économique et social 2005/20, 22 juillet 2005) ;

– tout le processus doit garantir l’anonymat du requérant si cela est nécessaire et requis ;

– les personnes impliquées dans les mécanismes en tant que décideurs ou juges ou faisant partie du secrétariat ou du personnel logistique doivent recevoir une formation spéciale. Une formation doit aussi être accessible aux avocats et aux autres personnes représentant les enfants devant ces mécanismes ;

– des possibilités d’aide judiciaire adaptées aux besoins des enfants doivent être prévues ;

– les résumés des décisions sur les recours concernant les enfants doivent être libellés dans un langage accessible aux enfants.

Il est évident que les enfants eux-mêmes ne submergeront ces mécanismes de leurs recours, quel que soit leur degré d’adaptation aux enfants. Il restera largement de la responsabilité et de l’obligation des adultes de poursuivre les violations des droits des enfants ; de l’obligation des adultes, nous insistons, parce que ce sont les adultes qui violent ces droits. Rendre ces mécanismes accessibles aux enfants est un principe, lié à l’obligation découlant de l’article 12 de la Convention. C’est ainsi qu’on pourra développer véritablement l’utilisation efficace de ces mécanismes non seulement par certains enfants mais par toutes les personnes qui sont à même de vraiment les représenter, et contribuer ainsi à faire diminuer radicalement les violations des droits des enfants.