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(Seul le texte prononcé fait foi)

Allocution de Son Altesse Sérénissime le Prince Albert II au Troisième Sommet de Chefs d’État et de Gouvernement du Conseil de l’Europe

Monsieur le Président,

Permettez-moi tout d’abord de vous dire combien je me réjouis de siéger, à cette session, sous votre Présidence, et d’exprimer des voeux très vifs pour le succès de nos travaux, que les stimulants propos d’ouverture que j’ai hautement appréciés ne peuvent qu’encourager.

Je tiens également à remercier les Autorités polonaises pour l’accueil qui m’a été réservé à Varsovie et pour l’excellente organisation de cet événement – lequel j’en suis persuadé – aura d’heureuses répercussions à la fois pour le Conseil de l’Europe, pour chacun de ses États membres et au-delà pour l’ensemble de notre continent.

Monsieur le Président,

Mesdames, Messieurs les Chefs d’Etat et de Gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Excellences, Mesdames, Messieurs,

Les trois thèmes proposés à notre réflexion sont excellents. J’ai choisi le premier d’entre eux car il m’offre l’opportunité d’évoquer les grandes valeurs que le Conseil Européen promeut et défend, valeurs auxquelles la Principauté de Monaco est profondément attachée.

« Valeurs européennes et unité de l’Europe » sont parfaitement indissociables. L’affaiblissement des unes entraînerait inévitablement l’affaiblissement de l’autre avec pour conséquence une Europe à nouveau disloquée et parcellisée, source de confrontations et de conflits. Un espace démocratique composé d’États de droit est seul, j’en suis convaincu, en mesure d’assurer à la fois un exercice effectif des droits civils et politiques ainsi que des libertés publiques et une promotion harmonieuse et équilibrée des droits économiques, sociaux et culturels de chaque européen.

L’Histoire, notre mémoire collective, est créatrice de conscience. Lorsque ces valeurs, assises de nos sociétés européennes modernes, ont été ignorées et bafouées – notre passé nous le rappelle – les pires malheurs, les guerres et la misère, étaient au rendez-vous.

Le 10 décembre 1948, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration universelle des Droits de l’Homme. Qu’elles trouvent leur source dans les livres sacrés ou dans la raison de philosophes éclairés, les valeurs qui sont les nôtres et qui ont inspiré ce texte historique, sont devenues des principes de portée internationale qui conduisent les hommes et les femmes, au-delà même de l’Europe, sur les chemins de progrès politiques, économiques et sociaux, jamais connus auparavant.

La dignité humaine, l’égalité entre les êtres humains, le respect de leur liberté et le refus de l’intolérance ainsi que de la sujétion constituent un patrimoine très précieux que nous, Européens, avons en partage. Il nous est indispensable puisqu’il est à la fois révélateur et garant de notre unité et de notre solidarité.

Nous retrouvons ces valeurs au coeur de nos convictions les plus profondes et de nos traditions les mieux ancrées. Elles sont probablement à la fois l’aspiration la plus forte de nos peuples et leur inspiration première.

Devenues principes, elles sont consacrées par nos lois fondamentales et consignées dans nos constitutions, ce qui en fait la pierre angulaire de notre unité. La Principauté de Monaco a inscrit ces principes dans sa Constitution du 17 décembre 1962, révisée par la loi du 2 avril 2002. Les libertés et les droits fondamentaux y figurent dans le Titre III du dispositif et non dans son Préambule, les consacrant et leur accordant ainsi la qualité de Loi suprême devant régir toutes les autres lois.

Alors que les Droits de l’homme et les libertés publiques ont pu, un temps, être cause de discorde entre Européens, ils sont, incontestablement aujourd’hui – on doit s’en féliciter source de leur unité et d’ambitions communes.

Grâce à eux, l’Europe déchirée, l’Europe écartelée, l’Europe divisée a laissé la place à la très forte volonté de ses peuples de vivre ensemble, de réfléchir ensemble, de créer ensemble.

Le Conseil de l’Europe a été et reste un instrument essentiel de ce mouvement de l’Histoire, de cette révolution continentale. Cette noble Institution a largement contribué à révéler, entre Européens, l’intérêt d’une coopération vivante dans les domaines de l’éducation et dans ceux de la culture, laquelle a favorisé le rapprochement et une meilleure compréhension entre eux tout en contribuant à faire disparaître l’esprit « revanchard » et l’insupportable péril de la guerre froide.

Cette année nous célébrons le 50ème anniversaire de la Convention culturelle européenne. Nous mesurons combien cet Instrument, en permettant une meilleure compréhension mutuelle et en révélant une identité et des valeurs communes, respectueuses des spécificités de chacun, a été déterminant pour forger une communauté européenne dont nous pouvons, sans réserve, aujourd’hui nous féliciter.

Depuis le XVIIIe siècle, les Princes de Monaco ont exercé un mécénat qui a permis à la Principauté de connaître un rayonnement culturel sans commune mesure avec l’exiguïté de son territoire. Nous demeurons convaincus qu’il est nécessaire de pérenniser et de renforcer une coopération culturelle paneuropéenne afin de bâtir ensemble de nouveaux projets porteurs des valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe.

Monsieur le Président,
Notre devoir de Chefs d’Etat et de Gouvernement n’est-il pas de défendre, en la confortant, une Europe d’entente, de compréhension et de paix, cette Europe heureuse de se retrouver et de se redécouvrir ?

À cette fin, il convenait, sans aucun doute, de nous réunir dans une même enceinte afin que nous soyons en mesure de nous rencontrer, de nous parler, de nous écouter et de donner à notre Organisation, un nouvel élan en vue de lui permettre d’accomplir, avec une réelle efficacité, les missions fondamentales que ses Pères fondateurs lui avaient confiées tout en lui dictant, dans les sphères de ses compétences, de nouveaux mandats destinés à répondre à certaines des attentes actuelles et pressantes de nos sociétés.

La Pologne a voulu, a su, préparer avec soin Notre Rencontre. Nous la remercions vivement. Ses dirigeants nous offrent, avec générosité, l’occasion et les conditions propices pour nous engager tous ensemble – dans le respect des particularismes nationaux – en faveur de la réalisation des Droits de l’homme et de l’Etat de droit tout en relevant certains des défis majeurs que lance le monde moderne y compris à l’encontre de notre environnement. Les Européens d’aujourd’hui comme ceux des générations à venir, ne doivent-ils pas pouvoir vivre dans une Europe bénéficiant de milieux naturels et notamment marins protégés, milieux auxquels, comme vous le savez, la Principauté de Monaco, attache une grande importance.

Monsieur le Président, il ne faut pas se le cacher,

À la fois facteur et ciment de notre cohésion, ces valeurs, nos valeurs comme notre environnement peuvent être menacées. L’édifice que nous avons construit, quelle que soit la profondeur et la solidité de ses fondations, demeure fragile. Nos principes risquent d’être directement mis en cause.

La question des minorités nationales par exemple est très préoccupante. Le respect des droits de celles-ci, qu’ils soient individuels ou collectifs, doit faire l’objet d’une attention particulière. Leurs moyens de protection ne sont en effet pas toujours à la hauteur des périls auxquelles elles peuvent être confrontées.

La lutte contre le terrorisme est également une grande préoccupation à l’échelle du continent, préoccupation à laquelle nous nous devons de répondre de concert en respectant les principes qui sont les nôtres, faute de quoi, notre unité, là encore serait en question.

Il nous appartient, néanmoins, de lutter contre ce fléau sans faiblesse de manière à ce que la vie, les droits et libertés des Européens ne se trouvent pas à la merci de la violence irrationnelle des intégrismes.

Le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie représentent également un danger menaçant pour l’équilibre et le bien-être de nos sociétés.

Soixante ans après la libération des camps nazis, les comportements impliqués par ces perversions sont à nouveau d’actualité. Ils prennent certes des formes nouvelles, ils s’adaptent et se plient aux contextes. Ils falsifient l’histoire. Ils interprètent à leur guise la science. Ils abusent des convictions. Là encore, l’unité morale de l’Europe est menacée. Toute forme de discrimination fondée sur la race ou la religion doit par conséquent être impitoyablement condamnée. Il nous faut rester vigilants.

La traite des femmes et des enfants dont la virulence ne semble pas faiblir en dépit de nos efforts représente aussi une sérieuse menace un réel danger tant à l’encontre d’une bonne entente régionale qu’à l’encontre des valeurs qui nous rassemblent ainsi que de nos vouloir et savoir-vivre ensemble.

Les violences qui guettent les êtres les plus fragiles que sont les enfants, les brutalités et les abus sexuels dont ils sont quotidiennement les victimes, ne nous imposent-ils pas de renforcer leur protection autant que celle des droits qui leurs ont été reconnus ?

À cette fin, les États membres ont souscrit de nombreux engagements.

Faire l’inventaire de ces engagements et des instruments juridiques existants en vue d’améliorer leur efficacité et, le cas échéant, de les compléter semble aujourd’hui indispensable. Le programme triennal en cours « enfance et violence » qui envisage une telle démarche, Nous paraît, à ce titre, essentiel. Il mérite un ferme soutien.

Monsieur le Président,

Au nom de la Principauté de Monaco dont, avec passion et sagesse, mon Père le Prince Rainier III a conduit le destin durant cinquante-six années, je puis vous assurer que le Gouvernement Princier, sous mon Autorité, s’emploiera, avec conviction et détermination, à mettre en oeuvre les principes de la Déclaration de même que les actions du Plan que nous nous apprêtons à faire nôtres en les adoptant au terme de nos travaux.

Je vous remercie Monsieur le Président.