Conférence des ministres responsables des affaires culturelles sur le thème « Le dialogue interculturel comme fondement de paix et de développement durable en Europe et dans les régions voisines »

(seul le texte prononcé fait foi)

Discours de Terry Davis, Secrétaire Général du Conseil de l'Europe,

Bakou, 2 décembre 2008

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs,

La question que je vous pose à tous ici aujourd'hui est très simple : sommes-nous prêts au dialogue ?

Le thème de la présente conférence ministérielle reflète l'objectif fondamental du Conseil de l'Europe qui est de sauvegarder et de promouvoir les droits de l'homme, la démocratie et l'Etat de droit. Le dialogue interculturel est une priorité politique, comme l'a réaffirmé le 3e Sommet des chefs d'Etat et de gouvernement en 2005.

Pourtant, cette conférence à Bakou est un événement qui soulève une série d'interrogations au sujet du dialogue. Pourquoi ?

C'est, de fait, la première conférence des ministres de la culture des Etats membres du Conseil de l'Europe dont la composition va au-delà des frontières géographiques du Conseil de l'Europe en associant des ministres des régions voisines. Elle doit nous permettre de réfléchir ensemble au « dialogue interculturel comme fondement de paix et de développement durable » et à la base commune de nos futures actions.

Bakou, en Azerbaïdjan, est un lieu à nul autre pareil car, tout au long de son histoire, cette ville s'est trouvée au carrefour de différentes cultures et constitue un pont naturel entre l'Est et l'Ouest, le Nord et le Sud.

Cette conférence est, en outre, tout à fait spéciale puisque, pas plus tard qu'en mai dernier, le Conseil de l'Europe a lancé son Livre blanc sur le dialogue interculturel. C'est donc le premier événement au niveau ministériel depuis la publication de ce document d'orientation majeur et nous devons examiner comment il est mis en pratique, comment l'on passe du dialogue sur le dialogue au dialogue proprement dit.

Toutes ces raisons font que je suis heureux d'être ici pour ouvrir cette conférence en compagnie de M.  Ilham Heydar oglu Aliyev, Président de l'Azerbaïdjan, du représentant de la présidence espagnole du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et de mes éminents collègues de l'Unesco, de l'Alecso et de l'Isesco.

Je souhaite souligner que le dialogue interculturel est une des priorités de la présidence espagnole du Comité des ministre et que ce n’est pas une coïncidence si cette conférence à Bakou soit le premier évènement depuis que l’Espagne a pris la barre du Conseil de l’Europe il y a moins d’une semaine.

Nous sommes réunis ici pour partager notre expérience et progresser ensemble. De manières différentes, nous sommes tous exposés à la diversité culturelle dans nos sociétés de plus en plus multiculturelles et, à maints égards, la diversité culturelle est aussi importante pour l'humanité que la diversité biologique pour l'environnement. Pourtant, nous nous surprenons tous, trop souvent encore, à penser selon des schémas nationaux, ethniques et linguistiques et en termes d'identités stéréotypées.

Un dialogue interculturel permanent est le « ciment social » dont nous avons besoin dans nos sociétés. C'est un antidote à l'intolérance, à la division et à la violence. Le dialogue n'est pas une idéologie ; ce n'est pas non plus une recette à appliquer aveuglément, en faisant abstraction des contextes politiques particuliers. Cependant, si nous veillons à ce que la diversité soit appréciée, à ce que des individus différents se rapprochent les uns des autres, chacun considérant l'Autre comme son semblable, et à ce que toute personne ait la possibilité de nouer le dialogue avec les autres êtres humains, alors nous avons tous une chance, et les générations futures avec nous, de vivre dans un monde meilleur, caractérisé par le respect mutuel, la justice et la sécurité.

La culture peut grandement faciliter cette entreprise, en partant des langues et des politiques linguistiques jusqu'à la création artistique, par le biais des arts plastiques, des arts du spectacle, de la musique populaire et du sport, en passant par la conception et l'utilisation des espaces publics, l'architecture et le patrimoine culturel. La culture nourrit notre sensibilité et notre capacité de voir, rencontrer et comprendre l'Autre et nous-mêmes. C'est une aventure à laquelle participent à la fois notre cœur, notre esprit et notre corps. Le propre des bonnes politiques est, par conséquent, d'offrir autant de perspectives et d'espaces interculturels que possible, dans tous ces domaines.

Il est extrêmement important que notre discours soit pertinent et précis. Que les gens se parlent est toujours une bonne chose mais le dialogue interculturel ne doit pas se réduire à des échanges de platitudes bienveillantes lors de séminaires internationaux. L'objectif est d'encourager le dialogue entre les « vrais gens » sur des problèmes concrets de la vie réelle. Ce n'est pas à l'aune du nombre de conférences internationales ou de brochures qu'elles produisent que l'on peut juger de l'utilité de nos activités mais bien à celle de l'incidence qu'elles ont sur la façon dont les gens vivent et font face à leurs problèmes à la maison, à l'école, au travail, dans la rue, à la mosquée, l'église ou la synagogue de leur quartier.

Monsieur le Président, Excellences, Mesdames et Messieurs, je veux que nous nous engagions dans ce dialogue qui ne peut avoir lieu sans le respect de l'égale dignité de tous les êtres humains, des droits de l'homme, de la primauté du droit et des principes démocratiques. Ces valeurs assurent la compréhension et le respect mutuels et sont essentielles pour garantir que le dialogue est régi par la force de l'argument plutôt que par l'argument de la force.