Retour Congrès international : « Le défi de la fraternité »

Strasbourg , 

Mesdames, Messieurs,

Tout d’abord, permettez-moi de souhaiter à chacune et chacun d’entre vous la bienvenue au Conseil de l’Europe, qui est depuis bientôt 70 ans la maison des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat de droit en Europe, mais également, depuis un peu plus d’une décennie, le lieu privilégié, d’une part du dialogue entre nos instances et les représentants des différentes expressions religieuses en Europe, mais aussi, d’autre part, du dialogue entre ces différents représentants.

Voilà pourquoi, dans cette tradition, c’est pour moi un plaisir tout particulier de pouvoir vous accueillir et ouvrir votre congrès sur le défi de la fraternité.

En effet, si le Conseil de l’Europe a été créé en 1949 - et d’ailleurs, si c’est à Strasbourg que son siège a été établi, là où peu avant sévissaient des guerres fratricides - c’est pour défendre et transmettre des valeurs au cœur desquelles figure la fraternité.

Certes, ce terme de fraternité n’est pas explicitement présent dans les textes fondateurs de notre Organisation. Mais, néanmoins, la notion les sous-tend – et je dirais même qu’elle sous-tend l’ensemble de nos travaux.

N’est-elle pas, indirectement, bel et bien présente dans le Préambule de la Convention européenne des droits de l’homme et dans celui du Statut du Conseil de l’Europe, lorsque ceux-ci soulignent que le but de l’Organisation est de réaliser « une union plus étroite » entre ses membres ?

Quant à nos travaux, ils tendent tous, chacun à sa façon, à affirmer et à protéger la dignité de l’être humain.

Qu’il s’agisse de prévenir les détentions illégales ou la torture, de lutter contre l’application arbitraire des pouvoirs ou contre les discriminations, de favoriser la liberté d’expression par opposition au discours de haine, de développer les droits économiques et sociaux – tout cela revient à dire : un être humain, parce qu’il est un être humain et quel qu’il soit, quelles que soient sa culture, son ethnie, ses convictions religieuses, doit bénéficier de droits et libertés fondamentaux, pour protéger sa dignité d’être humain.

Or, si l’on voit l’autre par ce prisme, c’est bien celui de la fraternité.

Ce qui me semble particulièrement intéressant dans les travaux que vous allez mener au cours de votre congrès, c’est que vous essaierez de comprendre les difficultés auxquelles cette fraternité se heurte.

Au conseil de l’Europe, nous faisons l’expérience de ces difficultés, puisque notre Europe, que nous voudrions totalement fraternelle, fait face à une série de crises.

Pour n’en citer que quelques-unes : le terrorisme – les effroyables attentats de ce mois d’août en sont le douloureux rappel ; l’afflux continu de migrants et de réfugiés ; ou encore, le renforcement des inégalités, notamment sociales.

Et ces phénomènes renforcent les mécontentements, entrainent des réactions de repli sur soi et de rejet de l’autre. Elles font un piédestal aux politiques identitaires, au discours du « nous contre eux », et aux populistes. C’est pour notre Organisation une source de préoccupation et un axe fort de travail.

Le dernier rapport du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe sur la situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit en Europe était d’ailleurs précisément consacré à cette question, puisque son titre est : « Populisme – Le système de contre-pouvoirs est-il suffisamment puissant en Europe ? ».

Il a identifié des points forts, mais aussi des faiblesses et des pistes d’améliorations pour renforcer ce que nous appelons la sécurité démocratique – concept sur lequel le Conseil de l’Europe a été bâti et qui affirme que les sociétés stables et résilientes sont celles dans lesquelles les citoyens ont confiance dans les systèmes qui les gouvernent ; dans lesquelles les conflits se règlent pacifiquement, aux urnes;  dans lesquelles tous les individus peuvent jouir de leurs droits fondamentaux ; et dans lesquelles la diversité se gère au moyen de l’inclusion et du respect.

Face aux pressions de plus en plus fortes dont nous voyons les signes au quotidien et qui menacent notre stabilité, notre responsabilité à tous - mais en particulier la nôtre au Conseil de l’Europe, compte tenu du mandat qui nous est confié - est de consolider les bases sur lesquelles notre société européenne repose. Pour qu’elle soit cohésive. Pour qu’elle soit fraternelle.

Permettez-moi de vous donner, à grands traits, quelques exemples plus concrets du travail que notre Organisation réalise, dans cet esprit.

Tout d’abord évidemment, il y a les activités visant la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de l’homme, notre « instrument constitutionnel de l’ordre public européen », qui définit les droits et libertés civils et politiques élémentaires, garantis à chaque individu dans nos Etats membres. La Cour européenne des droits de l’homme veille à ce que nos Etats respectent et fassent respecter ces droits et libertés et, au-delà de cela, toutes les instances du Conseil de l’Europe intègrent cette convention et ses exigences fondamentales à leurs travaux.

A côté de cette convention, il y a la Charte sociale européenne révisée, que je ne détaillerai pas davantage puisque mon collègue Régis Brillat, Secrétaire exécutif du Comité européen des droits sociaux, vous la présentera plus en détail dans quelques minutes.

Un autre exemple de notre travail est le plan d’action sur la construction des sociétés inclusives, que notre Organisation met en œuvre depuis 2016, avec pour objectif de lutter contre les discriminations et pour l’égalité des chances, car il s’agit là de l’une des meilleures façons d’atténuer les clivages sociaux et de faire disparaître la peur et le ressentiment que les extrémistes tentent d’exploiter.

Ou encore, le plan d’action, lancé cette année, sur la protection des enfants réfugiés et migrants en Europe, qui met plus particulièrement l’accent sur les enfants non accompagnés et qui repose sur un principe simple : ces enfants doivent être traités avant toute chose en tant que tels – c’est-à-dire en tant qu’enfants. Il vise à garantir leur accès à des droits et procédures qui leur sont adaptés, leur assurer une protection effective, ou encore améliorer leur intégration.

Enfin, je ne voudrais pas passer sous silence tout le travail que nous menons en matière d’éducation, pour que les valeurs que nous défendons soient transmises et qu’en particulier, les plus jeunes deviennent des messagers de fraternité.

Mesdames, Messieurs, 

Pour que nous puissions vivre dans une société de paix et de respect, il est de notre devoir à tous de tendre vers la fraternité. Soyez assurés qu’au Conseil de l’Europe, il n’y a pas un jour où nous perdions cela de vue.

Mais cette fraternité est un défi à relever sans relâche, dans un contexte difficile.

Cela donne tout l’intérêt et la pertinence à votre congrès pour approfondir la compréhension du concept et de ses origines, mais aussi ses implications très concrètes, aujourd’hui.

Je vous souhaite des travaux très fructueux.