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Strasbourg, 01.10.2009 – Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, a entamé un dialogue avec les autorités turques sur les droits des minorités et les droits des demandeurs d'asile et des réfugiés. Il rend publics aujourd'hui deux rapports faisant suite à la visite qu'il a effectuée du 28 juin au 3 juillet à Istanbul, Izmir et Ankara. Les rapports et les recommandations sont accompagnés des observations écrites du Gouvernement turc.

Le Commissaire, préoccupé par le fait que les autorités turques ne reconnaissent pas officiellement l'existence d'autres groupes minoritaires que les Arméniens, les Grecs et les Juifs, recommande à celles-ci d'établir un véritable dialogue avec tous les groupes minoritaires. Après cette visite, le gouvernement a pris des mesures visant à développer les relations avec les représentants kurdes et avec les chefs de file des minorités religieuses. Ce dont le Commissaire se félicite.

Cela étant, il demeure préoccupé par une tendance persistante à marginaliser les groupes minoritaires religieux. C'est pourquoi il engage les autorités à faire un travail de sensibilisation de la population afin de promouvoir les valeurs d'une société multiculturelle. Le Commissaire prend note avec intérêt des dernières mesures législatives de protection des droits de propriété des fondations minoritaires non musulmanes. Il observe toutefois qu'il subsiste des insuffisances auxquelles la Turquie va devoir remédier afin que sa législation et ses pratiques en la matière tiennent pleinement compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

Le rapport accorde également une place importante à la situation critique des personnes déplacées à l'intérieur du pays, principalement d'origine kurde. Il insiste pour que les autorités accélèrent le processus de réparation envers ces personnes et veillent à son application effective, notamment en permettant aux personnes déplacées d'exercer leur droit au retour volontaire, de s'installer librement où elles le souhaitent ou de s'intégrer localement. Le Commissaire recommande aux autorités d'abolir le système des gardes villageois et d'intensifier les opérations de déminage pour achever le nettoyage des zones concernées, en particulier dans les zones d'origine des personnes déplacées ou à proximité.

M. Hammarberg constate avec inquiétude que les Roms sont marginalisés, qu'ils ont d'énormes difficultés à faire valoir concrètement certains droits civils et sociaux et qu'ils subissent des violences de la part de la police et d'acteurs non-étatiques. Il recommande l'adoption de politiques efficaces visant à éradiquer tous les types de discrimination envers les Roms, à leur proposer un logement adapté à leurs besoins et à protéger leur patrimoine culturel.

Il recommande aussi la mise en place sans tarder d'une institution nationale efficace de défense des droits de l'homme, l'élaboration et la mise en œuvre d'une législation complète contre la discrimination, la ratification du protocole n° 12 à la Convention européenne des droits de l'homme et l'adhésion de la Turquie à la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.

Dans son rapport sur les demandeurs d'asile et les réfugiés, le Commissaire se félicite du projet d'adoption d'une nouvelle législation en matière d'asile et appelle la communauté internationale et l'Europe à aider la Turquie à gérer les flux migratoires. Il recommande aux autorités turques d'aligner leur définition des réfugiés et des demandeurs d'asile sur les normes internationales et de faire le nécessaire pour mieux distinguer les demandeurs d'asile dans les flux mixtes de migrants. La nécessité de renforcer et d'étendre la coopération des autorités avec le HCR en Turquie est également soulignée.

Le Commissaire appelle les autorités turques à réviser la procédure de demande d'asile accélérée en tenant compte des normes du Conseil de l'Europe. Il recommande en outre que des instructions claires soient données à la police des frontières et que la formation de tous ses agents soit renforcée dans le but d'informer correctement les demandeurs d'asile potentiels de leurs droits, y compris dans les lieux de détention.

Prenant note avec satisfaction des mesures prises actuellement pour créer des centres d'accueils régionaux, le Commissaire exhorte les autorités à améliorer l'accès aux soins de santé pour les demandeurs d'asile et les réfugiés et à veiller à ce qu'ils puissent travailler. Il recommande d'intensifier l'action en faveur de la dignité des conditions de vie en détention et rappelle que la détention devrait rester exceptionnelle et durer le moins longtemps possible.

Les informations concernant l'augmentation du nombre de retours forcés en 2008 en Iran et en Irak ainsi que les allégations relatives à l'insuffisance des enquêtes sur certains cas sont une source d'inquiétude pour le Commissaire qui presse les autorités turques de bien appliquer le principe de non-refoulement, en particulier aux points d'entrée sur le territoire. Il faudrait pour cela respecter pleinement l'interdiction de l'expulsion collective des étrangers, dispenser une meilleure formation aux agents de la police des frontières et donner à ces derniers des instructions plus claires. Enfin, les allégations de violations des droits de l'homme doivent donner lieu à des enquêtes sérieuses.

Le Commissaire, qui salue l'attention particulière avec laquelle sont traités les enfants non accompagnés qui demandent l'asile en Turquie, recommande que le bénéfice du doute soit appliqué en matière d'âge, que les enfants soient bien informés dans une langue qu'ils comprennent et qu'un tuteur individuel soit désigné pour chacun d'eux. De plus, il conviendrait d'améliorer les services éducatifs et médicaux et de veiller à ce que le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant soit effectivement respecté, dans le droit des réfugiés comme dans la pratique.

Tout en rendant hommage aux autorités turques pour la lutte qu'elles mènent contre la traite des êtres humains, le Commissaire Hammarberg leur recommande d'adopter rapidement le nouveau plan d'action qui accorde une importance particulière à l'amélioration de l'identification des victimes de la traite parmi les réfugiés, en particulier aux points d'entrée sur le territoire. Il rappelle au gouvernement qu'il importe de ratifier la Convention du Conseil de l'Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains.

Enfin, le Commissaire invite les autorités à intensifier leurs relations avec les organisations non gouvernementales spécialisées dans la protection des demandeurs d'asile dans la perspective de l'élaboration de la nouvelle législation.

Les rapports et les observations du Gouvernement turc sont sur le site web du Commissaire, ainsi que des photos prises au cours de la visite.

Pays

* Le 16 mars 2022, le Comité des Ministres a adopté une décision par laquelle la Fédération de Russie a cessé d'être membre du Conseil de l'Europe, 26 ans après son adhésion.
** Toute référence au Kosovo, qu'il s'agisse du territoire, des institutions ou de la population, doit être comprise dans le plein respect de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjudice du statut du Kosovo.