République de Moldova

  • Actualités

  • Rapports

  • Visites

  • Lettres

Strasbourg, 29.04.2009 - Plus de 300 personnes ont été arrêtées à Chisinau, Moldova, à la suite des manifestations postélectorales du début du mois d'avril. Nombre d'entre elles ont subi des mauvais traitements, dont certains doivent être qualifiés de graves, de la part de la police. Telles sont les conclusions du Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Thomas Hammarberg, après une visite dans la capitale moldave, du 25 au 28 avril 2009.

Le Commissaire a rencontré les ministres de l'Intérieur, de la Justice et des Affaires étrangères, un député du parti communiste, le Procureur général, le Médiateur, des membres de l'organisme national de prévention de la torture, les chefs de l'opposition ainsi que des représentants de la société civile et des médias.

Le Commissaire a interrogé plusieurs personnes qui étaient ou avaient été privées de liberté à la suite des manifestations et des violences postélectorales. Certaines personnes, faisant l'objet d'une enquête, ont été interrogées dans les locaux de la prison n° 13. Le Commissaire s'est également rendu à la Direction générale de la police à Chisinau, où de nombreuses personnes avaient été détenues à la suite des manifestations. L'expert médical de l'équipe du Commissaire a examiné un grand nombre de dossiers médicaux établis par la police, l'administration pénitentiaire et le service des urgences de l'hôpital.

Le Commissaire Hammarberg a noté que, si la majorité des manifestants s'était comportés de manière pacifique, certains d'entre eux avaient en revanche commis des actes de violence et de vandalisme. Le 7 avril 2009, des groupes de manifestants se sont introduits dans le Parlement et dans le bâtiment présidentiel. Plusieurs policiers ont été blessés par les jets de pierres des manifestants. Les mesures antiémeutes se sont révélées largement inefficaces.

Selon les informations obtenues par le Commissaire, des personnes ont été arrêtées par des policiers en tenue civile qui, semble-t-il, ne se sont pas identifiés. Des personnes arrêtées ont déclaré avoir été frappées lors de l'arrestation, durant le transport et dans les commissariats de police, y compris lors des interrogatoires. Elles auraient reçu des coups de pied, de poing, de matraque et de bâton, et auraient subi des humiliations et des insultes.

Les dossiers examinés par l'expert médical du Commissaire font état de blessures correspondant aux descriptions de mauvais traitements physiques faites par les personnes placées en détention provisoire par la police. L'étendue et la gravité de ces mauvais traitements sont illustrées par le fait que 105 personnes ont dû être envoyées au service des urgences de l'hôpital de Chisinau ; parmi celles-ci, 24 personnes ont dû être hospitalisées. Selon le ministère de l'Intérieur et le Procureur général, au 28 avril 2009, plus de 50 plaintes pour mauvais traitements sont en cours d'examen, et des poursuites judiciaires ont été engagées dans un cas.

Plusieurs personnes arrêtées se sont plaintes de n'avoir pas eu la possibilité d'informer les membres de leur famille de leur placement en garde à vue ou de n'avoir pas été autorisées à contacter un avocat avant leur première comparution devant un juge. Bon nombre de ces personnes, ainsi que leurs avocats, ont déclaré que leur audition au cours de leur détention provisoire avait été extrêmement rapide et que le juge n'avait pas donné suite aux mauvais traitements subis dont elles avaient fait état.

Les interlocuteurs officiels du Commissaire ont admis que les services de police avaient fait un usage abusif de leurs pouvoirs à l'issue des manifestations, à l'égard des personnes privées de leur liberté. Le procureur général a déclaré qu'il ouvrirait une enquête pour chaque affaire portée à sa connaissance et qu'il en prendrait lui-même l'initiative s'il était informé de cas de mauvais traitements, même en l'absence de plainte. Le ministre de l'Intérieur a évoqué la possibilité de sanctions disciplinaires infligées à des fonctionnaires de police, telles que rétrogradation, suspension ou révocation.

Il ne fait aucun doute pour le Commissaire qu'il convient de faire le point non seulement sur le comportement des différents policiers, mais encore sur les responsabilités de leurs supérieurs. Il est extrêmement inquiétant que de telles violations aient pu avoir lieu malgré l'interdiction légale de la torture ou l'existence de garanties préventives officielles, d'un code de déontologie des forces de police et d'un certain nombre de stages de formation. Il convient de faire toute la lumière sur la responsabilité de cette absence de professionnalisme et de respect des normes élémentaires. Toute impunité en l'espèce établirait un dangereux précédent.

Au lieu de demander aux médias et aux organisations non gouvernementales de justifier leur compte rendu critique de la situation, les autorités gouvernementales devraient encourager les victimes et les témoins à se présenter et à contribuer à l'avancée des enquêtes. Le fait que ces affaires aient été attribuées à des procureurs spéciaux, qui n'ont eu aucune relation professionnelle avec les services de polices impliqués dans les événements, est positif.

Parallèlement aux procédures pénales et disciplinaires, il est indispensable de revoir une fois de plus le recrutement et la formation des fonctionnaires de police, de renforcer les garanties dont bénéficient les personnes arrêtées et placées en garde à vue, y compris pour leur assurer un accès immédiat à un avocat, d'accorder plus de moyens et d'aide aux services du médiateur et au mécanisme national de prévention de la torture et de veiller à ce qu'ils accèdent sans restriction à tous les lieux de détention.

Le Bureau du Commissaire procédera à présent à la rédaction d'un rapport complet, qui sera présenté au gouvernement moldave pour qu'il fasse part de ses observations, puis rendu public.

Pays

* Le 16 mars 2022, le Comité des Ministres a adopté une décision par laquelle la Fédération de Russie a cessé d'être membre du Conseil de l'Europe, 26 ans après son adhésion.
** Toute référence au Kosovo, qu'il s'agisse du territoire, des institutions ou de la population, doit être comprise dans le plein respect de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies et sans préjudice du statut du Kosovo.