Retour La mise en œuvre de l’accord entre l’UE et la Turquie doit respecter les droits de l'homme

Déclaration
Idomeni camp, Greece ©Shutterstock

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Maintenant que l’Union européenne et la Turquie sont parvenues à un accord, il faut faire preuve de la plus grande vigilance lors de sa mise en œuvre, afin de dissiper les graves inquiétudes que cet accord suscite à plusieurs égards, du point de vue des droits de l'homme.

Il est positif que l’accord contienne certaines garanties juridiques, telles que le respect du droit international et européen. Cela devrait empêcher les retours collectifs automatiques et assurer une évaluation objective à quiconque demande l’asile ou une protection internationale.

Toutefois, pour que l’accord soit effectivement compatible avec lees droits de l'homme, l’UE, la Grèce et la Turquie doivent veiller à ce que sa mise en œuvre obéisse aussi à d’autres principes.

Tout d’abord, l’accord et ses garanties juridiques doivent s’appliquer non seulement aux Syriens, mais aussi à toutes les personnes qui arrivent en Grèce ou dans tout autre pays de l’UE.

Ensuite, l’UE et ses Etats membres doivent aider d’urgence la Grèce, dont le dysfonctionnement du système d’asile a conduit à des violations des droits de l'homme des migrants, notamment en ce qui concerne les conditions d’accueil et l’accès à l’asile. Cette aide doit englober, outre des ressources humaines et financières, des possibilités accrues de relocalisation des réfugiés dans l’UE. Actuellement, les capacités d’accueil sont nettement insuffisantes et le nombre de réfugiés relocalisés est beaucoup trop faible.

Autre élément : la Grèce et la Turquie ne devraient recourir qu’exceptionnellement à la détention de migrants, car le fait d’entrer et de séjourner de manière irrégulière dans un pays n’est pas un crime. Une attention particulière doit être accordée aux personnes vulnérables comme les enfants, les femmes enceintes et les victimes de la traite et de la torture.

Il importe aussi que la Turquie applique des garanties juridiques et procédurales à tous les migrants – et pas uniquement aux Syriens – qui reviennent de Grèce. Parmi ces garanties doit figurer l’interdiction du refoulement et des retours collectifs.

Il serait illusoire de penser que l’accord suffirait à mettre fin à la souffrance des migrants et à la pression exercée sur les pays européens. Ce n’est qu’un moyen provisoire de combler l’une des nombreuses lacunes du traitement des questions migratoires par les pays européens. Des mesures plus courageuses et à long terme sont nécessaires.

Il est urgent d’augmenter les possibilités légales, pour les réfugiés, de chercher à obtenir une protection en Europe, en toute sécurité ; ainsi, il faudrait développer les possibilités de relocalisation – qui ne devraient pas être réservées aux seules personnes se trouvant en Turquie – et assouplir les règles applicables aux visas humanitaires et au regroupement familial. A cet égard, la conférence de l’Agence des Nations Unies pour les refugiées  prévue fin mars à Genève est une occasion à saisir.

De plus, les dispositions selon lesquelles les migrants qui entrent dans un pays et y restent illégalement sont passibles de sanctions pénales devraient être remplacées par des lois apportant la garantie que les besoins de ces personnes sont examinés avec humanité. Il faudrait aussi renforcer les opérations de recherche et de sauvetage en Méditerranée.

Enfin, les responsables politiques et les leaders d’opinion devraient se garder d’instrumentaliser les peurs de la population au sujet des migrations et de l’asile. Bien au contraire, ils devraient rappeler et appliquer les normes des droits de l'homme et les principes moraux de tolérance, d’accueil et de solidarité qui définissent l’Europe.

La protection des réfugiés est une obligation à la fois morale et juridique. Si ce n’est pas une tâche aisée, elle n’est pas pour autant impossible. L’accord entre l’UE et la Turquie pourrait être un début de solution, mais les pays européens doivent faire plus pour protéger les personnes qui fuient les guerres et les persécutions.

Strasbourg 21/03/2016
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