Retour Portugal : les mesures d’austérité représentent une menace grave pour les droits de l'homme

Lisbonne, 09/05/2012 – « Les mesures d'austérité budgétaire mises en œuvre au Portugal ont porté atteinte de manière disproportionnée aux droits de l'homme des groupes sociaux les plus vulnérables, en particulier des enfants, des personnes âgées et des Roms. Je salue les efforts déployés par le gouvernement pour atténuer l'impact de la crise financière, notamment au moyen du programme « d'urgence sociale » lancé fin 2011. Il est cependant nécessaire d'agir de manière plus déterminée et systématique pour protéger et respecter pleinement les droits sociaux et économiques inscrits dans les instruments par lesquels le Portugal est lié », a déclaré le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, à l'issue d'une visite de trois jours à Lisbonne.

Au cours de sa visite, le Commissaire a pris note avec inquiétude d'informations selon lesquelles plus de 20 % des enfants et des personnes âgées seraient considérés comme exposés au risque de pauvreté. En outre, si le taux de chômage officiel dans le pays était estimé à 14 % en 2011, le chômage des jeunes aurait atteint 34 % début 2012. « Cette situation remet en cause la cohésion sociale du pays et ses importantes réalisations en matière de droits de l'homme. Le Portugal est l'un des Etats parties à la Charte sociale européenne, en vertu de laquelle il s'est engagé à protéger efficacement toutes les personnes se trouvant ou risquant de se trouver en situation d'exclusion sociale ou de pauvreté. L'emploi, le logement, l'éducation et l'assistance sociale et médicale sont des droits sociaux vitaux qui ne peuvent être ignorés, pas même en période de crise économique. »

Le Commissaire Muižnieks a été informé qu'au Portugal, de plus en plus d'enfants interrompent leur scolarité pour chercher un emploi et tenter de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. « Les mesures adoptées auparavant avaient permis de réduire considérablement les cas signalés de travail d'enfants. J'exhorte le gouvernement à faire tout son possible et à mobiliser les institutions compétentes, comme la Commission nationale pour la protection des enfants et des jeunes en danger, pour éviter la résurgence du travail et de l'exploitation des enfants. »

« Plusieurs de mes interlocuteurs, dont l'Ombudsman, ont confirmé que les personnes âgées connaissent de graves difficultés. Les retraites ont été gelées, alors que les frais d'hospitalisation et le prix des transports publics ont augmenté. J'ai constaté avec satisfaction que le ministre de la Solidarité et de la Sécurité sociale est pleinement conscient de cette situation. Les mesures « d'urgence sociale » adoptées en 2011 pour atténuer les effets néfastes de la crise sur les groupes sociaux vulnérables, comme les personnes âgées, vont dans le bon sens. Il faudrait accorder la priorité à la protection sociale de ces groupes, qui devrait s'appuyer sur un système complet de collecte de données capable de fournir des études d'impact fiables, et sur des filets de sécurité sociale protégeant les droits de l'homme et la dignité de toutes les personnes dans le besoin. »

Le Commissaire a pris note de la stratégie nationale en faveur des Roms pour 2012. « J'encourage le gouvernement à concrétiser cette initiative en y consacrant les ressources humaines et financières nécessaires. Je reste cependant très préoccupé par des informations indiquant qu'au Portugal, une grande partie des Roms continuent de subir une discrimination et une ségrégation institutionnalisées et de vivre dans des conditions déplorables. J'appelle les autorités à remédier pleinement aux violations graves concernant les droits des Roms en matière de logement constatées par le Comité européen des Droits sociaux dans la décision qu'il a rendue l'an dernier en l'affaire Centre Européen des Droits des Roms (CEDR) c. Portugal ». Le Commissaire a également souligné la nécessité de poursuivre et de renforcer le programme des médiateurs roms et de le compléter par des mesures ciblées visant à éliminer la discrimination dans tous les domaines.

Enfin, le Commissaire Muižnieks a salué la décision des autorités de ne pas réduire le budget du bureau de l'Ombudsman. « C'est une reconnaissance claire du travail effectué par les institutions nationales des droits de l'homme indépendantes et de leur précieuse contribution à la protection des droits de l'homme et de l'Etat de droit. Ces structures nationales sont indispensables, aussi bien en temps de crise qu'en période de prospérité. »

Le rapport du Commissaire sur sa visite au Portugal sera publié prochainement.