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Les responsables politiques qui tiennent des propos anti-Roms alimentent la haine

Des affiches placardées à Milan pendant la récente campagne électorale pour les municipales agitaient la menace selon laquelle la ville était en passe de devenir une « ville tsigane ». Bien qu’il s’agisse là d’une manifestation extrême de xénophobie, les propos anti-Roms sont en fait chose courante dans la bouche de responsables politiques de plusieurs pays d’Europe. Si cela ne cesse pas, tous les efforts faits pour promouvoir l’intégration des Roms dans la société seront voués à l’échec, et la discrimination et la violence continueront d’être le quotidien de nombreux Roms.

Les dirigeants politiques ont une responsabilité toute particulière pour lutter contre la discrimination et créer des liens entre les différents pans de la société. Ils devraient éviter d’utiliser des propos stigmatisants à l’égard des Roms et ne pas alimenter les préjugés anciens contre cette minorité. On en a vu un exemple malheureux l’été dernier lorsque des citoyens roms de l’Union européenne ont été expulsés de France, et qu’on a entendu à cette occasion de hauts responsables proférer des généralisations à l’emporte-pièce sur les Roms et les Gens du voyage, en insistant particulièrement sur leur implication dans des actes criminels.

On lit parfois aussi des commentaires racistes dans des documents officiels émanant de responsables publics. Dans une lettre publiée en novembre 2010 sur le site web de la commune de Nový Bydžov en République Tchèque, le maire tenait les Roms pour collectivement responsables du viol d’une jeune fille et annonçait une série de mesures répressives contre la communauté rom locale.

Au-delà des mots

Les conséquences de la rhétorique anti-rom de hauts responsables ne sauraient être sous-estimées. Leurs propos peuvent être compris comme un encouragement à commettre des actes violents contre les Roms, comme la violence collective et les pogroms. Après les déclarations publiques du maire de Nový Bydžov, des groupes néonazis ont agressé des Roms lors d’une manifestation organisée en mars 2011.

Autre exemple, cette fois en Hongrie : les commentaires du maire de Tiszasarion sur ce qu’il appelle « la criminalité tsigane » ont débouché sur la création d’une « gendarmerie » spéciale. De tels groupes d’auto-défense sont déjà à l’œuvre dans d’autres endroits en Hongrie. Ils s’apparentent d’une certaine manière aux gendarmes qui opéraient contre les Juifs dans ce pays pendant la deuxième guerre mondiale.

Le cercle vicieux des préjugés et de l’exclusion

Notre expérience nous a appris que le discours politique anti-rom perpétue l’antitsiganisme. En donnant à la société l’exemple des préjugés et de la discrimination, les responsables politiques empêchent effectivement les Roms et les Gens du voyage d’exercer leurs droits au même titre que les autres citoyens. Lorsque l’Italie a proclamé en 2008 son intention de renvoyer de force des Roms roumains dans leur pays, le ministre roumain des Affaires étrangères de l’époque a déclaré qu’il envisageait « d’acheter un terrain dans le désert égyptien pour y envoyer toutes les personnes qui ternissent l’image du pays ». Dans un contexte aussi hostile, tous les efforts accomplis par les communautés roms pour sortir de leur marginalité et établir des relations positives avec le reste de la population ne peuvent que rester vains.

Des dirigeants responsables

Les responsables publics, y compris les dirigeants politiques et leaders d’opinion, ne sont pas au-dessus des lois. Les propos anti-Roms, notamment pendant les campagnes électorales, doivent toujours être vivement condamnés, et sanctionnés lorsqu’ils violent les lois contre l’incitation à la haine.

Les responsables politiques doivent être conscients des graves conséquences que peuvent avoir leurs propos. Les partis politiques devraient adopter des mesures d’autorégulation pour exclure tout langage raciste.

En vertu d’un principe général des droits de l'homme, les généralisations et la stigmatisation de groupes tout entiers sont à éviter. Dans le cas des Roms, ce principe vaut d’autant plus qu’ils sont la cible de préjugés profondément enracinés, qui ont engendré une répression parmi les plus implacables de toute l’histoire européenne. C’est jouer avec le feu que de ranimer les vieux stéréotypes à l’égard des Roms. Les responsables publics devraient au contraire contribuer à mieux faire connaître l’histoire et la culture roms à l’ensemble de la population.

Le Pape Benoît XVI a donné l'exemple en juin 2011 lorsqu'il a accueilli deux mille Roms européens au Vatican en leur disant : "Votre peuple ne doit plus jamais être la cible d’abus, de rejet ou de mépris". Espérons que tous les responsables politiques en Italie et ailleurs aient entendu le message.

Thomas Hammarberg

Strasbourg 28/06/2011
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