Retour France : Les audiences délocalisées soulèvent des inquiétudes en matière de respect des droits de l’homme

[Strasbourg, 17/10/2013] - Dans une lettre envoyée le 2 octobre à la ministre de la Justice, Mme Christiane Taubira, et publiée aujourd'hui, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, Nils Muižnieks, se dit inquiet quant au respect des droits de l'homme des migrants amenés à comparaître lors d'audiences des Tribunaux de grande instance de Meaux et de Bobigny délocalisées au Centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot et, prochainement, à l'aéroport Roissy-Charles de Gaulle.

« Tout en comprenant le souhait des autorités françaises d'éviter, grâce à ces délocalisations, des transfèrements coûteux et parfois réalisés dans des conditions peu respectueuses de la dignité des personnes, il m'apparaît que la tenue de telles audiences délocalisées soulève plusieurs questions relatives aux droits de l'homme des personnes qui seront présentées au juge de la liberté et de la détention lors de ces audiences » écrit le Commissaire.

« Toute personne privée de liberté a le droit, en vertu de la Convention européenne des droits de l'homme, d'introduire un recours devant un tribunal qui doit, non seulement être, mais aussi paraître indépendant et impartial. Or, ces délocalisations impliquent la tenue d'audiences à proximité immédiate d'un lieu de privation de liberté dans lequel est maintenu ou retenu le requérant. Ceci, ajouté au fait que ce lieu est placé sous l'autorité du ministère de l'intérieur – lequel est également partie au litige –, risque de porter atteinte à l'indépendance et à l'impartialité du tribunal concerné, à tout le moins aux yeux du requérant. »

Le Commissaire souligne également que la localisation de ces salles d'audience et la difficulté d'y accéder, notamment en transports en commun, risquent de compliquer l'exercice des droits de la défense et de faire obstacle à la publicité des débats.

Enfin, le Commissaire considère que ces audiences tenues en dehors des tribunaux dans lesquels la justice est d'ordinaire rendue risquent d'accréditer l'idée que les étrangers ne sont pas des justiciables comme les autres.

Partageant l'inquiétude largement exprimée par les professionnels du droit à ce sujet, le Commissaire demande à la ministre de la Justice de l'informer des mesures qu'elle entend mettre en place afin de garantir le respect des droits de l'homme des personnes concernées par ces audiences.

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