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Journalisme éthique : l’autorégulation protège l’indépendance des médias

Les médias jouent un rôle essentiel dans la protection des droits de l'homme. Ils révèlent des violations et permettent à différentes voix de se faire entendre dans le discours public. Cependant, le pouvoir des médias peut aussi être utilisé à mauvais escient au point de devenir une menace pour le fonctionnement même de la démocratie.

Il est arrivé – y compris dans des pays européens – que des médias soient transformés en outils de propagande au profit du pouvoir en place, ou qu’ils incitent à la haine xénophobe contre des minorités et des groupes vulnérables.

Nous avons aussi constaté que des ambitions commerciales sans limites peuvent encourager des pratiques journalistiques contraires à la loi et à la déontologie, comme l’a montré le scandale des écoutes téléphoniques qui a éclaté au Royaume-Uni.

Des comportements aussi irresponsables et attentatoires à la vie privée risquent d’entamer très rapidement la confiance du public – et de servir de prétexte aux gouvernements pour imposer une réglementation des médias, voire une censure. Bien entendu, cela réduirait encore les possibilités d’exercice d’un journalisme d'investigation critique.

Une autorégulation fondée sur un code de déontologie

Afin de prévenir de telles dérives, les médias devraient établir un système d’autorégulation efficace, qui soit fondé sur un code de déontologie adopté par la profession et comprenne une instance habilitée à recevoir et à traiter les plaintes, comme un médiateur ou un conseil des médias.

L'idée d'autorégulation est née de la volonté de journalistes et de médias, soucieux de la qualité de leur travail, de rectifier leurs erreurs et d'agir de manière responsable vis-à-vis du public. L’objectif est notamment d’établir des principes éthiques qui protègent les individus et les groupes contre des pratiques inacceptables dans les médias.

Cette idée n’est pas neuve. Dans plusieurs pays, des professionnels des médias ont tenté de créer un système d’autorégulation éthique. Leurs initiatives n’ont malheureusement pas toujours eu les résultats attendus. Lors de mes voyages, j’ai pu constater que certains médias ne tenaient aucun compte des codes de déontologie, ce qui avait pour effet d’affaiblir ces normes. Ces médias étaient le plus souvent aux mains d’oligarques ou d’autres représentants des milieux d’affaires, parfois anonymes.

Le problème se pose avec plus d’acuité encore dans un paysage médiatique en pleine mutation. Les médias traditionnels ont été durement frappés par la crise économique mondiale. Des milliers d’emplois ont été supprimés, les budgets de la formation et du journalisme d’investigation ont fortement diminué et les activités de recherche, de vérification et d’investigation originale ont été réduites à la portion congrue.

L’émergence d’une nouvelle forme de journalisme, pratiquée notamment par les blogueurs et les utilisateurs de Twitter ou de YouTube, a certes donné accès à une multitude de témoignages intéressants, mais ces communicants ne sont pas toujours formés ni pleinement conscients de l’étendue de leurs responsabilités.

Journalisme éthique et vrai professionnalisme

C'est dans ce contexte que le terme de journalisme éthique prend tout son sens. Le travail des reporters et des rédacteurs ne consiste pas à relayer des intérêts particuliers - quand bien même ces intérêts se confondent avec la défense des droits de l'homme. Mais en travaillant en vrais professionnels, ils peuvent contribuer à rendre la société meilleure.

En somme, les journalistes éthiques mettent en œuvre le droit de savoir que revendique le public. Leur professionnalisme tient aussi au fait qu'ils cherchent à faire connaître la vérité et ne cèdent pas aux pressions qu'ils subissent pour déformer la réalité, que ce soit de la part des propriétaires des médias, des milieux d'affaires ou des forces politiques.

Il est nécessaire d’approfondir le débat sur la manière de promouvoir le journalisme éthique, notamment dans le contexte des médias sociaux et des autres moyens d’information en ligne. L’initiative prise en ce sens par les syndicats de journalistes mérite d’être saluée. Mais les gouvernements ont aussi un rôle à jouer.

En effet, les gouvernements devraient protéger la liberté et le pluralisme des médias et s’abstenir de toute réglementation qui porterait atteinte à la liberté d’expression, y compris dans les médias sur internet. Toute restriction à cette liberté doit être définie de manière claire et précise et être prévue par la loi.

Une politique des médias respectueuse de ces principes est un bon moyen d’encourager une autocritique constructive de la profession journalistique.

Thomas Hammarberg

Pour en savoir plus : Journalisme éthique et droits de l’homme (document de discussion thématique)(anglais uniquement)

Strasbourg 08/11/2011
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