Retour La corruption et les ingérences politiques affaiblissent le système judiciaire albanais

Rapport de visite pays
Strasbourg 16/01/2014
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Ministère de la justice - Tirana - Albanie

Ministère de la justice - Tirana - Albanie

« Le niveau élevé de corruption dans le système judiciaire entrave le bon fonctionnement de celui-ci et entame la confiance de la population à l'égard de la justice et de l'Etat de droit en Albanie. Les autorités doivent redoubler d'efforts pour que toutes ces affaires de corruption fassent l'objet d'enquêtes et de poursuites effectives », a déclaré Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en rendant public aujourd'hui un rapport sur la visite qu'il a effectuée dans le pays du 23 au 27 septembre 2013.

La stratégie de réforme nationale et le plan d'action destinés à consolider le système judiciaire albanais sont des initiatives encourageantes, mais des actions plus résolues sont nécessaires, notamment pour améliorer la transparence et la prise en compte du mérite lors de la nomination et de l'évaluation des juges. A cet égard, le Commissaire recommande de dépolitiser le fonctionnement du système judiciaire, en commençant par renforcer l'indépendance du Conseil supérieur de la justice, qui garantit l'intégrité de la justice albanaise. « Les membres de ce conseil devraient être élus par une majorité qualifiée au parlement et exercer une influence plus décisive sur les procédures de nomination et de promotion et les procédures disciplinaires applicables aux juges, y compris à ceux de la Cour suprême. Il convient d'éviter toute ingérence politique indue dans le fonctionnement du système judiciaire. Cela suppose notamment de supprimer la participation du ministre de la Justice aux procédures disciplinaires engagées contre des juges ». Le Commissaire invite aussi les autorités à adopter des mesures législatives nécessaires pour que la nomination du Procureur général par le Président de la République soit soumise au vote et à l'accord d'une majorité qualifiée au parlement.

La lenteur avec laquelle l'Albanie met en œuvre les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme, notamment ceux qui concernent l'inexécution de décisions judiciaires ou administratives internes, contribue elle aussi, dans une large mesure, à affaiblir l'Etat de droit dans le pays. « Tous les arrêts rendus par la Cour doivent être mis en œuvre rapidement, en intégralité et de manière effective. En particulier, les autorités doivent traiter le problème persistant de la longueur excessive des procédures judiciaires et instaurer en droit interne un recours effectif contre ces retards. »

De plus, les lacunes dans la mise en œuvre de la législation relative à l'aide juridictionnelle entravent l'accès effectif à la justice, notamment pour les personnes vulnérables. « Les autorités devraient traiter cette question en étroite coopération avec les ONG spécialisées. Je me félicite du projet des autorités de réduire les frais de justice pour garantir un accès effectif au système judiciaire. Des orientations claires devraient cependant être données aux juges des tribunaux de district et des cours d'appel concernant la mise en œuvre de la décision rendue par la Cour constitutionnelle en 2013 dans ce domaine. »

La persistance des mauvais traitements et de l'impunité des violations graves des droits de l'homme commises par les forces de l'ordre, y compris lors des violences qui se sont produites le 21 janvier 2011 à Tirana, constitue un autre motif de vive inquiétude. « Je suis très préoccupé par l'augmentation des signalements de cas de mauvais traitements, y compris de torture. Il est urgent d'enquêter sur toutes ces affaires, ainsi que sur les actes illégaux qui auraient été commis par des membres des forces de l'ordre pendant et après les événements du 21 janvier 2011, et de traduire en justice les responsables. Pour que le processus soit crédible et contribue à restaurer la confiance de la population à l'égard de l'Etat et de ses institutions, il importe d'imposer des sanctions adéquates et dissuasives à tous les policiers impliqués dans des violations graves des droits de l'homme. »

Enfin, le Commissaire recommande d'améliorer l'accès des détenus, y compris des mineurs, à un avocat et à un médecin, et de veiller à ce que des psychologues soient toujours présents durant les procédures pénales concernant des mineurs. Il critique aussi l'usage excessif de la détention provisoire avant et pendant le procès, et recommande de n'appliquer cette mesure qu'en dernier recours, en donnant la priorité à des solutions non privatives de liberté.