Back Colloque européen relatif à l'habitat partagé et accompagné pour les personnes handicapées et âgées

Strasbourg , 

Tel que prononcé

Je tiens à vous remercier de m’avoir invitée à prendre la parole au colloque qui se tient aujourd’hui. C’est une occasion de vous faire part brièvement des valeurs et travaux du Conseil de l’Europe concernant les droits des personnes handicapées.

Le Conseil de l’Europe est une organisation paneuropéenne de 47 Etats membres qui promeut et protège les droits humains de tout un chacun et veille à leur respect. Il est parfaitement légitime que les personnes handicapées puissent jouir de l’ensemble de ces droits humains.

Ces droits sont sauvegardés par la Convention européenne des droits de l’homme et la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe, la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et tous les autres instruments internationaux sur les droits de l’homme.

En avril 2006, un Plan d’action 2006-2015 a été adopté par nos Etats membres dans le but délibéré d’améliorer la qualité de vie des personnes handicapées en Europe.

L’an dernier, nous avons fait le bilan de ce plan. Nous avons constaté que cette dernière décennie, nos Etats membres avaient accompli des progrès considérables en matière notamment de réformes législatives, de prestations de services, d’amélioration de l’environnement physique, de lutte contre les stéréotypes et de changement d’attitude concernant les qualités et les besoins des personnes handicapées.

Toutefois, des problèmes subsistent, à savoir, en particulier, des disparités entre, d’une part, les normes fixées d’un commun accord et, d’autre part, la réalité quotidienne avec laquelle sont aux prises de nombreuses personnes handicapées qui vivent en Europe.

Dans certains cas, elles sont encore placées en établissement contre leur gré, privées du droit de vote, exposées à des risques de violence et d’abus plus élevés que le reste de la population, victimes de discrimination en matière d’accès à l’enseignement et au marché du travail ordinaires et dépourvues du droit de jouir des arts ou de participer, par exemple, à des activités sportives.

Cette discrimination blesse les personnes qui en sont victimes et cause également du tort à nos sociétés. Elle décrédibilise l’Europe en tant que principal défenseur mondial des droits de l’homme.

La nouvelle Stratégie 2017-2023 du Conseil de l’Europe en faveur des personnes handicapées a donc pour but de s’appyer sur les progrès déjà réalisés et de nous inciter à intensifier nos efforts pour mettre un terme aux disparités de mise en œuvre.

La Stratégie, qui sera bientôt, nous l’espérons, adoptée par le Comité des Ministres, est un document fondé sur les droits qui met l’accent sur la capacité et non plus sur l’incapacité.

Le but général est d’assurer aux personnes handicapées l’égalité, la dignité et les mêmes chances qu’aux autres citoyens en renforçant leur indépendance et leur liberté de choix et en leur garantissant effectivement une participation pleine et entière à tous les domaines de la vie et de la société et notamment la possibilité de vivre au sein de la collectivité. Nous voulons donner une valeur ajoutée aux travaux menés dans d’autres contextes régionaux et internationaux comme l’Union européenne et les Nations Unies.

La Stratégie s’articule autour de cinq domaines d’action prioritaires ancrés dans la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres normes du Conseil de l’Europe. Chaque domaine est également lié à des articles correspondants de la CDPH.

1. Egalité et non-discrimination

2. Sensibilisation

3. Accessibilité

4. Reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité

5. Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance.

Nous nous sommes efforcés de concevoir un cadre et un instrument de politique générale souples que chaque Etat membre puisse adapter à sa propre situation.

La Stratégie vise à fournir aux décideurs politiques une feuille de route en vue de mettre en place une législation, des politiques et des pratiques novatrices, fondées sur la CDPH et d’autres normes juridiques en faveur des personnes handicapées.

Nous espérons que nos gouvernements en tireront le meilleur parti, en étroite coopération avec les personnes handicapées et leurs familles ainsi qu’avec les organisations qui les représentent et tous les autres acteurs concernés.

Je voudrais aussi dire un mot sur le thème d’aujourd’hui, à savoir la désinstitutionalisation.

Nous savons que les personnes atteintes de déficiences multiples, complexes et croisées, tout comme les enfants, les jeunes et les personnes âgées, se heurtent à des obstacles supplémentaires.

Ces personnes sont plus que les autres exposées au risque d’être placées en établissement et de subir différents types d’abus.

Ces risques sont souvent aggravés par des conditions de vie qui isolent ou séparent les individus et qui sont contraires au droit de vivre au sein de la société comme le prévoit la CDPH.

Je suis très heureuse que vous placiez cette question au centre de vos préoccupations aujourd’hui. Plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe hésitent encore à fermer les établissements de séjour et à développer les services de proximité, soutenant que le placement en établissement est nécessaire pour les personnes souffrant de handicaps multiples ou « profonds ».

Or, ces structures sont souvent le lieu de certaines des plus graves violations des droits de l’homme en Europe, comme le démontrent les cas d’abus attestés.

C’est un problème qui doit être traité d’urgence ; il est à l’ordre du jour de nombreux débats nationaux mais reçoit rarement l’attention internationale qu’il mérite. Je me réjouis donc vivement à la perspective de prendre connaissance des résultats de vos discussions et de voir ce que le Conseil de l’Europe pourrait faire de plus.