Back No Hate Web. No Hate Speech – Lutter contre les discours de haine (Session d’ouverture)

Strasbourg , 

Seul le prononcé fait foi

Je suis heureuse de m’adresser à vous à l’occasion de la session d’ouverture de cet important événement, organisé en commun par la LICRA et la conférence des OING sous le patronage du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe.

Je sais que de nombreux jeunes discutent depuis ce matin déjà de la façon dont ils peuvent combattre le discours de haine sur internet et sur les réseaux sociaux au quotidien. Votre engagement est louable et je m’intéresse beaucoup à vos idées.

De notre côté, je puis vous assurer que nous travaillons sur le même thème. La campagne du Conseil de l’Europe connue sous le nom de «Mouvement contre le discours de haine – Campagne de jeunesse pour les droits de l’homme en ligne» a suscité un très vif enthousiasme. De nombreux jeunes y ont participé, ainsi que nombre de mes collègues de tous les secteurs de l’Organisation, et cela dans un but précis : éradiquer le discours de haine dans le débat public. 

Le symposium d’aujourd’hui est une étape importante pour notre conférence des OING et pour la LICRA.

La semaine entière est consacrée à la lutte contre le discours de haine, d’autres initiatives importantes ayant lieu à Strasbourg, comme la réunion du réseau international International Network Against Cyber Hate et un séminaire organisé par la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance, l’ECRI, avec des organes nationaux spécialisés et d’autres partenaires internationaux.

De plus, l’ECRI travaille actuellement à une nouvelle recommandation de politique générale sur le discours de haine, qui devrait être adoptée d’ici à la fin de l’année et nécessitera tout le soutien possible pour sa diffusion et sa mise en œuvre effectives.

Par ailleurs, les membres de l’Alliance parlementaire contre la haine, créée par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, se sont engagés à soutenir le travail des comités nationaux de campagne du Mouvement contre le discours de haine et à y participer. La Présidente de notre Assemblée, Mme Brasseur, va développer ce point dans quelques minutes. Nous sommes conscients que ce type de soutien est essentiel. Il envoie un message capital aux gens: que les législateurs qu’ils ont élus s’efforcent d’œuvrer pour un internet meilleur et une société meilleure.

Un autre événement important a commencé aujourd’hui dans notre Centre européen de la jeunesse: la conférence d’évaluation et de suivi du Mouvement contre le discours de haine. Cet événement rassemblera près de 120 représentants des acteurs impliqués dans la campagne afin d’évaluer les résultats de celle-ci et de développer une stratégie de suivi.

Cette synergie laissera inévitablement ses marques.

Chers amis,

Depuis un certain temps déjà, et à travers toute l’Europe, nous assistons à une montée du populisme, à une recrudescence de la xénophobie et à l’apparition d’un nombre croissant d’individus et de groupes qui souhaitent exploiter les angoisses des gens pour attiser la haine.

Le racisme et l’intolérance sont des créatures résilientes. Elles évoluent pour survivre. Au lieu d’attaques explicites et manifestes contre des groupes précis, nous assistons de plus en plus à un phénomène plus subtil.

Dans les médias, en politique, dans la vie de tous les jours, nous vivons une espèce de banalisation du racisme par le langage qui se passe au quotidien, un néo-racisme désinvolte, beaucoup plus difficile à démasquer mais tout aussi dangereux.

Nous ressentons tous de plus en plus sa présence. Et les jeunes sont souvent plus particulièrement ciblés.

Le «Mouvement contre le discours de haine - Campagne de la jeunesse pour les droits de l'homme en ligne» du Conseil de l’Europe appartient aux jeunes. En octobre 2011, des jeunes femmes et des jeunes hommes du Conseil mixte pour la jeunesse du Conseil de l’Europe ont proposé de lancer une campagne contre le discours de haine en ligne. Ils avaient été choqués et horrifiés par les meurtres tragiques d’Oslo et d’Utøya quelques mois auparavant. Cette idée a été développée et, en mars 2013, le Secrétaire Général a lancé le mouvement contre le discours de haine.

La campagne n’a pas pour but de limiter la liberté d’expression en ligne. Elle n’est pas non plus contre les divergences d’opinion ou de goût. Elle a simplement pour objectif de lutter contre toutes les formes de discours de haine qui s’expriment en ligne, y compris celles qui touchent le plus les jeunes, comme le harcèlement et la haine par internet.

La campagne porte sur l’éducation aux droits de l’homme, la participation des jeunes et l’initiation aux médias. Elle fonctionne comme un réseau, les Etats membres lançant des campagnes nationales adaptées à leurs propres contextes. À ce jour, ils sont près de 37 à l’avoir fait, auxquels s’ajoutent, hors d’Europe, le Mexique et le Maroc.

Toutes les campagnes ont pour but de limiter le discours de haine et de combattre le racisme et la discrimination sur internet.

Plus récemment, nous avons mis en place l’«Observatoire du discours de haine» de la campagne. C’est un outil extrêmement utile pour surveiller et cartographier instantanément le discours de haine en ligne – vous le trouverez sur notre site web nohatespeechmovement.org. Nous avons suivi les traces du discours de haine et avons notamment pu observer des attaques contre les populations de couleur, la promotion du néonazisme, des attaques contre des personnes en raison de leur genre, de leur orientation sexuelle ou de leur origine ethnique, des discours de haine antijuifs, des manifestations d’antitsiganisme et d’islamophobie, y compris des appels à brûler des mosquées, et j’en passe… 

En mai, l’«Observatoire du discours de haine» a essentiellement travaillé sur l’homophobie et la transphobie, et invité les internautes à signaler les discours de haine en ligne contre des personnes ayant une identité de genre et une orientation sexuelle différentes.

Si l’on prend juste connaissance de certaines de ces informations, on prend conscience de l’ampleur du problème et de la virulence du discours de haine qui circule sur le net.

Comme vous le savez, la campagne du Mouvement contre le discours de haine a pris fin sous sa forme actuelle le 31 mars 2015. Mais elle ne s’arrête pas là, ce n’est que «la fin du commencement». C’est l’esprit dans lequel se déroule la réunion d’évaluation qui a lieu tout près d’ici.

A la suite des horribles attentats terroristes en France, en Belgique et à Copenhague un peu plus tôt cette année, nous avons ajouté le discours de haine au Plan d’action du Conseil de l’Europe pour combattre le terrorisme et l’extrémisme violent, qui a été adopté par le Comité des Ministres le 19 mai.

Nous continuerons à soutenir les comités de campagne existants et à apporter un soutien institutionnel et des outils pratiques aux autorités locales et nationales souhaitant former des éducateurs, des jeunes et des travailleurs sociaux, ainsi que des membres des forces de l’ordre, pour les préparer à agir en ligne de manière efficace.  Nous continuerons à mettre un fort accent sur le rôle de l’éducation dans la lutte contre l’intolérance et le manque de respect. C’est dans nos classes et dans les autres lieux où les jeunes se rencontrent, apprennent et travaillent que cela est le plus important.

Le manuel de formation «Connexions» est en passe de devenir un nouveau best-seller. Il aide à lutter contre le discours de haine à travers l’éducation aux droits de l’homme et c’est la raison pour laquelle nous sommes en train de définir un ensemble de compétences visant à aider les éducateurs en Europe à enseigner aux enfants ce que signifie d’être un citoyen démocratique et comment vivre en paix dans nos sociétés diverses.

Nous devons mieux comprendre d’où vient le discours de haine.

Nous devons mieux comprendre comment et où ce discours de haine fonctionne. 

Nous devons partager nos idées, notre savoir-faire et nos bonnes pratiques, mais aussi nos peurs.

Nous devons nous former et définir des méthodologies et des stratégies apportant des réponses juridiques et pratiques.

En effet, le Mouvement contre le discours de haine est né de la volonté de jeunes qui souhaitent vivre dans une Europe où ils se traitent les uns les autres avec respect. 

Après avoir formé et mobilisé les militants, il est temps de mobiliser une plus vaste audience et de créer une vaste coalition de gens contre le discours de haine.

Développer des partenariats avec un large éventail d’organisations est essentiel à cet égard: la LICRA et notre conférence des OING, la société civile, les médias, les parlements et les partis politiques, ainsi que les fédérations et clubs sportifs, ont un rôle clé à jouer pour combattre le discours de haine en Europe, car ils disposent d’une plus vaste audience.

Je vous souhaite de très fructueuses discussions demain et samedi et me réjouis de découvrir vos nouvelles idées.