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L'équipe du Bureau de Belgrade (Maurice Bonnot, Représentant spécial du Secrétaire général; François Friederich, Représentant spécial adjoint du Secrétaire général; Aleskandar Stojanovic, juriste; et Mme Ana Dugalic, assistante administrative) est prête à aider les Yougoslaves sur la voie de la démocratie intégrale et à réaliser leurs attentes légitimes – celles d'une population dont les membres aspirent à être des citoyens européens à part entière. Tels furent les termes de la conclusion de Walter Schwimmer. (voir le reportage dans le quotidien L'Alsace)

Printemps pour la Yougoslavie ? (L'Alsace, 21/03/ 2001)
Derniers jours tranquilles pour Milosevic ? (L'Alsace, 21/03/2001)

Printemps pour la Yougoslavie ?

Après dix ans de guerre et de régime Milosevic, la Yougoslavie s'ouvre à nouveau au monde. La communauté internationale se relaie à Belgrade au chevet d'un pays ruiné et déboussolé.

Petit air de fête vendredi dernier rue Carcoska, le quartier chic et résidentiel de Belgrade. L'OSCE, l'Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe, et le Conseil de l'Europe inaugurent leurs locaux. Trois villas dans une toute petite rue qui grimpe. Deux d'entre elles sont encore en travaux. La troisième de style art nouveau est encore vide et sent l'encaustique et la peinture. Dans le jardin le prunier du japon est en fleurs, un chaud soleil printanier brille et une brise douce entretiennent un climat ydillique. D'un embouteillage de limousines provoqué par l'étroitesse de la rue sort le ban et l'arrière ban de la communauté diplomatique belgradoise. Une communauté en plein renouveau. Après dix années de boycott de la communauté internationale les diplomates sont de retour en Serbie. On s'entasse dans le jardin. Outre les diplomates la presse est accourue en masse pour ce qui, vu de loin, parait un événement purement formel. A Belgrade cette petite inauguration est le sujet du jour. « Vous ne pouvez pas comprendre ce que cela représente. Après 10 ans de régime Milosevic, d'ostracisme, de manque d'information, de mise au ban de la communauté internationale, de critiques incessantes qui nous faisaient croire que le monde entier était ligué contre nous, aujourd'hui est le début d'une renaissance, » explique, visiblement émue, un fonctionnaire du service du protocole du ministère étrangères. « L'OSCE et le Conseil de l'Europe ici, c'est la garantie de notre retour au sein de la communauté internationale et de l'Europe. » Un espoir plus grand que la petite cérémonie qui se résume au lever des couleurs de l'OSCE et du Conseil de l'Europe et d'un petit discours de Walter Schwimmer, secrétaire général de l'organisation de Strasbourg, et de Mircea Geoana, Ministre des affaires étrangères de Roumanie et actuel Président de l'OSCE. Pendant quelques minutes, à l'écoute des discours, les Yougoslaves croient voir le bout du tunnel. Portés par cet enthousiasme, Mircea Geoana et Walter Schwimmer, promettent des lendemains meilleurs. « J'espère que pour les Yougoslaves, ces locaux deviendront bientôt la maison de l'Europe, et ainsi, leur propre maison, où une équipe amicale, compétente et déterminée est prête à travailler avec eux vers une démocratie complète et en faveur de leur aspiration légitime à être des citoyens européens à part entière. Pour la Yougoslavie et en Yougoslavie le temps est venu de proclamer fièrement : voici l'Europe. » Conclut Walter Schwimmer.

Le Conseil de l'Europe et l'OSCE ici, c'est la garantie de notre retour au sein de l'Europe

Les journalistes et les Yougoslaves présents veulent y croire et se laissent porter un instant par cet avenir radieux promis alors qu'au fond du jardin, derrière la clôture, une autre villa témoigne de la permanence d'un temps que tout le monde veut révolu. Une grosse villa moderne, peinte en rose et aux volets clos. C'est la résidence de Maria Milosevic, fille de Slobodan Milosevic. La villa est fermée mais pas inoccupée. De la lumière brille à la terrasse et la présence d'un chien démontre que, si la fille du dictateur n'est pas là, la place n'est pas abandonnée. Un peu plus haut sur la colline vit toujours le maître de l'ancien régime, que quelques dizaines de nostalgiques viennent régulièrement applaudir. Chassé du pouvoir à l'automne 2000, Slobodan Milosevic est toujours là, cultivant l'art d'être grand père. En s'adressant une dernière fois aux Yougoslaves à la télévision pour reconnaître sa défaite il avait assuré qu'à l'avenir il se consacrerait à son petit fils. Une image qu'il cultive depuis. A la fureur de nombreuses femmes. « Il a bien de la chance de pouvoir s'occuper de son petit fils alors que beaucoup de mères ne peuvent plus s'occuper de leurs garçons morts à la guerre. » Une catharsis qui arrange beaucoup de monde. La chute de Milosevic lave le pays de son trou noir de 10 ans. Sa présence rassure tous ceux qui, peu ou prou, pendant cette décennie noire ont suivi l'épopée folle et sanglante de la Yougoslavie. Avec le Conseil de l'Europe et l'OSCE, la communauté internationale fait son retour en force. Les visites officielles se multiplient à Belgrade, placée au ban des nations jusqu'à l'automne dernier. Pas moins de 22 visites officielles sont prévues ce mois-ci. Walter Schwimmer a croisé dans les couloirs du palais du gouvernement fédéral, toujours domicilié boulevard Lénine, Jiri Dienstbier, ex-opposant tchèque au régime communiste, aujourd'hui envoyé spécial du secrétaire général des Nations Unies pour les Droits de l'homme dans les Balkans. Igor Ivanov, Ministre des Affaires étrangères de la fédération de Russie, un pays frère du régime Milosevic, l'a suivi. D'autres encore se pressent aux portes du palais fédéral, un immense complexe de style stalinien, beaucoup trop grand pour la petite fédération yougoslave, réduite à la Serbie et au Monténégro. Dans les halls à la dimension de cours de tennis on ne croise plus que des huissiers désoeuvrés affalés dans des fauteuils. Mais les Yougoslaves semblent vouloir y croire. Ne serait-ce que pour échapper à la misère. Au pied des hôtels de luxe Hyatt et Intercontinental, construits sous le régime Milosevic, les réfugiés serbes de Croatie, Bosnie et du Kosovo s'entassent dans des bidonvilles. D'un côté, des hôtels prétentieux et arrogants, hier fief des hommes d'affaires et des mafieux enrichis par le régime Milosevic, de l'autre côté de la route les victimes du régime. Dans ces hôtels, hors de portée du commun des mortels, la clientèle mafieuse est aujourd'hui remplacée par celle des diplomates. Arkan, l'un des plus odieux criminels du régime Milosevic, est mort assassiné en sortant du piano bar de l'hôtel Intercontinental qui héberge désormais la délégation du tribunal international de La Haye. Sa veuve vit toujours, du moins officiellement, dans le quartier chic, où l'OSCE et le Conseil de l'Europe ont trouvé à se loger. Pendant ce temps les Serbes se débattent dans une pauvreté sans nom. « Tous ceux qui le peuvent émigrent. Avec une qualification ou un diplôme on peut aller au Canada, aux États Unis, voire en Australie ou en Nouvelle Zélande. Par contre l'Europe et la France sont très difficiles, » raconte Anna, jeune diplômée en économie. Pour les jeunes l'espoir est ailleurs. « En 1976, quand le Portugal a rejoint l'Europe son niveau de vie était comparable à celui de la Yougoslavie. » Aujourd'hui, Belgrade offre l'image d'une ville du tiers-monde. Ou, plus exactement, d'un îlot congelé de l'Europe de l'Est d'avant la chute du rideau de fer. Ce n'est pas la Somalie, on n'y meurt pas de faim, mais on y survit. « La ressource des Yougoslaves est leur joie de vivre. Ils ne demandent pas beaucoup. Vous ne verrez pas de boutiques de luxe comme dans d'autres pays de l'est. Mais nous sommes cependant obligés d'importer certaines choses. Pour le reste chacun a un parent à la campagne pour les pommes, le chou ou la viande. » raconte une jeune Belgradoise. Beaucoup comptent sur la diaspora et son soutien financier. Les mandats, même modestes, suffisent à faire vivre une famille entière. 200 DM par mois envoyés par un gastarbeiter offrent un revenu équivalent à celui d'un professeur d'université. « Un retraité avec la plus petite pension allemande possible est ici un roi du pétrole» poursuit la jeune femme. Comme partout dans les Balkans le mark est la monnaie de référence. A Belgrade, on paye son pain ou son lait en dinars mais on vend sa voiture d'occasion en DM. Quelques mois après le changement de régime le nouveau président Vojislav Kostunica sait qu'il doit compter sur la communauté internationale pour sortir la Yougoslavie de l'impasse. L'inauguration de la mission conjointe du Conseil de l'Europe et de l'OSCE, preuve tangible de la communauté internationale, est pour lui un signal fort à l'adresse d'une opinion publique traumatisée et ruinée.

Le président Kostunica se sent renforcer par les visites des organisations internationales et par l'implantation de représentations diplomatiques qui sortent son pays de l'isolement.

AFP

De notre envoyé spécial à Belgrade, Michel Arnould

M.A.
L'Alsace (21 mars 2001)